13 Oct Funambule François
François rivalisait en jongleries avec un autre funambule qui se démenait en contre bas...
« Écrire ! Verser avec rage toute la sincérité de soi sur le papier tentateur, si vite, si vite parfois que la main lutte et renâcle, surmenée par le dieu impatient qui la guide… »
Colette, La Vagabonde
François rivalisait en jongleries avec un autre funambule qui se démenait en contre bas...
Il a grandi, il m’a dépassé. Aujourd’hui, il est moins facile de laisser l’émotion libre, il faudrait maintenant rationaliser un peu plus, donner un peu de muscle, de stature et d’exemple. Pourtant… Les anges qui volent au-dessus de nos têtes, à chaque instant, nous ne les voyons pas. Mais ceux qui les connaissent un peu, comme moi, savent qu’ils sont délicats et forts à la fois. Ils ne s’encombrent pas de cheminements intellectuels, alors qu’ils sont des êtres uniquement spirituels. Chez eux, tout rayonne depuis l’intensité d’un cœur mêlé à une âme dans un mélange tellement fort et tellement simple que nous...
À quelques mètres de nous, un regard orange parcourt l’espace. J’étais dans son champ de vision, je crois bien avoir été compris dans le balayage distrait qu’elle a penché d’un coup de tête. Au début, je ne l’avais pas remarquée. Patricia et moi avions remonté jusqu’à la limite du sable, à la lisière de la dune que les ajoncs tentent de contenir d’un épuisement géologique qui inonderait encore plus la plage. Ce n’est qu’une fois étendus l’un à côté de l’autre, nos corps couchés sur le sable fin, nos coudes enfoncés là où l'humidité rafraîchit un peu le sol, après...
… ou ne les cherchez pas ! Elles me perdront. Dès qu’il y a une femme un peu femme dans mon horizon, je bascule, je chavire. L’inclinaison du Guillaume en moi, depuis sa plus tendre enfance, est exclusivement féminine. Par bonheur allais-je ajouter. Par malheur devrais-je corriger ? Pourtant, je n’y suis pour rien. Presque pour rien. C’est la faute de ma mère. Elle m’a trop aimé, et je l’ai trop aimée. Entre elle et moi, c’était trop fort. Il m’a fallu lire Albert Cohen et surtout Romain Gary-Ajar pour comprendre. En fait, sans avoir rien compris, le petit enfant qui tenait la main...
Deux fois le même jour, au cours de la même marche, mon chemin a croisé celui de femmes qui pleuraient. À chaque fois, ce n’est qu’au dernier moment que j’ai vu leur détresse. À chaque fois, j’ai ressenti l’élan de me rapprocher d’elles et de tenter, d’un regard, d’un geste ou d’un mot, une consolation. À chaque fois, je n’ai rien fait. Au cœur de cet été qui bat à plein, au milieu des rues de Saint-Malo grouillantes de vacanciers si souvent laids et bruyants, je me faufilais pour regagner la maison. Les foules m’oppressent au point de toujours presser le...
Ils ont étendu des sopalins sur la table de leur carré. Au début, je n’ai pas particulièrement prêté attention à leur présence, à part celle un peu bruyante de leur petit garçon. Mais depuis près d’une heure que le train est parti, je n’ai pas pu m’empêcher de les observer, mi-curieux mi-effaré. Ils n’ont pas arrêté de manger depuis le départ de Saint-Malo tout à l’heure. Ils ont englouti une pizza entière, format large. Suivie d’un sandwich club par personne, avant d’entamer chacun son plat cuisiné accompagné d’une salade abondante. Là, ils attaquent un dessert que je n’ose pas regarder. C’est...
Comme celle des vernis trop lourds qui finissent par craquer, avec le temps… Cette couche de brillant me pèse. On dirait un miroir, où les gens biens aiment se refléter, tout en me décochant au passage un petit signe d’approbation, du haut de leur main. Ils apprécient, parce que le vide de ma présence ne leur renvoie qu’une image rassurante d’eux-mêmes. Je sens pourtant des parfums remonter. Ceux qui traversent la transparence chimique, ceux qu’exhalent les matières et les essences naturelles et profondes. Enfant, je voulais plaire à ma mère. Je voulais surtout alléger des peines qu’elle ne savait absolument pas me...
Dans son sourire, il y a la grâce. De quoi faire chavirer un paquebot en pleine mer, ou retourner l’écorce de la terre. Alors qu’en est-il de moi, petit vivant sur deux jambes ? Mais tellement léger alors, enivré par des alizés qui m’envahissent et m’enivrent… Ils viennent de haut, d’un ciel d’azur ensoleillé, qui filtre ses rayons dans les arbres d’une campagne qui évoque tendrement ma normandie natale… pas loin de Saint-Malo, pas loin… mais si loin ? Je suis à nouveau pleinement éveillé et tellement avide, en plein mystère de beauté féminine. Bourrelé de conscience mais passionné. Toujours prêt à m’éveiller dès...
Je n’ai jamais eu de quête de Dieu fébrile, inquiète ou fanatique. Je crois l’avoir souvent rencontré dans ma vie, il est vrai que les preuves de son existence ne manquent pas, à commencer par la beauté de la nature, l’infini du ciel ou le chant des oiseaux. Le plus souvent, longtemps, elles m’ont suffit. Et s’il y a de longs moments dans ma vie où j’ai cessé de penser à lui, ou de croire en l’image que les hommes ont fabriqué de lui, je n’étais pas non plus plongé dans des tourments insoutenables. Je crois, et je ne pense pas....
La volvo break familiale soulève des vagues de poussière qui vont inonder les buissons d’ajoncs et d’herbes hautes que l’été généreux de ce mois de juillet-la a séchées à l’excès. Les deux jeunes femmes sont assises à l’avant. L’une conduit, l’autre à sa droite ne dit rien. Assis au milieu de la banquette arrière, penché vers l’avant, je les guide de ma voix haute et fluette. Elles rient beaucoup. Mais si je n’ai pas l’autorité d’un homme, j’ai l’intelligence d’un enfant, celle qui sait s’exprimer avec cette sensibilité qui parle aux femmes, même aux plus jeunes. Je connais des raccourcis que...