Suédoises

25 Mai Suédoises

La volvo break familiale soulève des vagues de poussière qui vont inonder les buissons d’ajoncs et d’herbes hautes que l’été généreux de ce mois de juillet-la a séchées à l’excès. Les deux jeunes femmes sont assises à l’avant. L’une conduit, l’autre à sa droite ne dit rien. Assis au milieu de la banquette arrière, penché vers l’avant, je les guide de ma voix haute et fluette. Elles rient beaucoup. Mais si je n’ai pas l’autorité d’un homme, j’ai l’intelligence d’un enfant, celle qui sait s’exprimer avec cette sensibilité qui parle aux femmes, même aux plus jeunes.

Je connais des raccourcis que je viens pourtant d’inventer. Elles m’ont écouté. Ignorant les panneaux indicateurs, elles ont quitté la route principale qui mène au Mont Saint Michel. Et je ne me suis pas trompé. Déjà l’ombre de l’île-monastère danse au loin dans les vapeurs du vent chaud. Elle se dresse au loin, de plus en plus réelle, de plus en plus proche.    

Je ne me souviens ni de leur prénom ni des circonstances précises qui me valent un tel moment de grâce. Elles doivent avoir 18 ou 19 ans, les deux soeurs sillonnent la France avec la voiture de Papa. Je suis encore cet adolescent silencieux et rêveur, conscient cette fois d’être en plein rêve avec deux déesses. Elles sont jolies, jeunes et insouciantes. Je me souviens de leur corps bronzés, à peine vêtus. Et surtout de poitrines qui s’agitent sous des chemises peu épaisses qu’elles en sont presque transparentes, sublimant les sursauts de liberté folle que leur permet l’absence délicieuse de soutien-gorge.

L’auto traverse les pré-salants à toute allure en arpentant la petite route sinueuse. Si vite qu’il est trop tard pour voir à temps le dénivelé qui traverse le chemin. La voiture fait bond qui nous propulse à plusieurs mètres plus loin. Pas le temps d’avoir peur, nous avons juste eu celui de rire encore plus fort, dès les quatre roues retombées au sol. Les suspensions suédoises en ont vu d’autres, elles sont préparées à des hivers bien plus rigoureux que nos douceurs normandes.

Des décennies plus tard, ces rires chantent encore dans ma tête. C’est un des plus beaux instants que j’ai vécu. Il n’a pas duré longtemps. J’étais encore ce garçon immature et possédé par une mère inquiète et puritaine. Dès ma naissance, elle avait merveilleusement tourné ma vie vers l’amour des femmes, qui avait commencé par une adoration pour elle que je n’ai jamais regrettée. Malgré la nuisance de principes et de sentiments possessifs qui m’ont beaucoup empêché de me libérer d’elle.

Je n’étais qu’un enfant sage. En aucun cas, je n’aurais osé déclaré ma flamme à mes belles suédoises, comme à tant d’autres sylphides que j’ai croisées ensuite. Mais il n’est jamais trop tard. C’est bien pour cela que j’écris ce soir.

 

 

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