notes de lecture

Amour, indicible amour

Luc, mon frère

par Michael Lonsdale

note du 12 septembre 2018

Je viens de lire ce livre fort et profond. Écrit par Michael Lonsdale, il permet de découvrir frère Luc, l’un des moines de Tibhérine assassinés en 1996. Celui dont Michael Lonsdale a incarné le rôle dans le film Des Hommes et des Dieux.

Cette communauté trappiste perchée dans les montagnes de l’Atlas, au coeur de l’Algérie, est devenue tristement connue à la suite du martyre de ses sept moines.

Ce qu’on ignorait encore, c’est la vie exemplaire de frère Luc. Ce livre la révèle, ainsi que la profondeur et la spiritualité de la sagesse du moine médecin. Il écrivait à ses proches, il notait surtout ses pensées dans son missel. Découvertes après sa mort, ses lignes sont édifiantes, et c’est un des plus grands mérites du livre de Michael Lonsdale de les mettre en lumière.

À noter cette recension sur le site Aleteia :

www.https://fr.aleteia.org/2018/09/11/luc-mon-frere-un-livre-qui-parle-au-coeur/

Voici, plus bas, quelques citations de frère Luc ou de Michael Lonsdale :

éditions Philippe Rey

Le service :

«Mon Dieu, qui as permis que je sois médecin, je Te prie pour tous ceux que, par fatigue, égoïsme ou lâcheté, je n’ai pas aidés.” Frère Luc, (p.10)

Et la contemplation :

« Luc a voulu associer le service à la contemplation. Il ne pouvait pas choisir : c’était comme les deux poumons d’un même souffle. » Michael Lonsdale, (p.25)

Le médecin :

frère Luc était plus qu’un médecin des corps. Il était aussi à l’écoute.” (p.10)

La fonction principale du monastère :

Situé au centre d’une population misérable, le geste de s’occuper de ceux qui sont malades, de ceux qui ont faim, est un geste évangélique, ecclésial et qui s’inscrit dans toute la tradition monastique.” frère Luc, (p.11)

La pauvreté :

Les pauvres nous évangélisent. Frère Luc s’est mis à leur école, pendant plus d’un demi-siècle. Un saint homme tout entier consacré à ses frères et aux pauvres, un saint qui ressemble tellement au petit frère Charles de Foucauld !” Michael Lonsdale, (p.31)

Le dispensaire :

Le but de ce dispensaire n’est pas tant d’exercer la bienfaisance corporelle et d’obtenir le maximum d’efficience sur le plan médical, que d’une manifestation d’amour à l’égard d’hommes pauvres et d’une manifestation d’amour à l’égard d’hommes pauvres et malheureux dans une amitié vraie.” Frère Luc, (p.32)

Au contact des pauvres :

Au contact des pauvres, est-il nécessaire de dire combien frère Luc était devenu l’un des leurs ? Un pauvre à la manière de François d’Assise.” Michael Lonsdale, (p.36)

Le regard vers Dieu :

Ce n’est pas de sa propre misère, mais la vue de Dieu qui donne à l’homme le sens vrai de sa condition de pécheur ; de même, ce n’est pas surtout sa détresse matérielle, c’est son regard vers Dieu qui lui fait mesurer sa pauvreté. Ce n’est qu’après avoir pris conscience de Dieu, la Souveraine Richesse, qu’on peut acquérir une âme de pauvre et, talonné par cette pauvreté, partir en quête de Lui, à traver la création et chaque évènement de l’existence.” Frère Luc, (p.37)

Les sdf :

J’irai vers Dieu, mon Père, comme ceux qui sont sans domicile fixe, pour rejoindre une demeure stable et définitive.” Frère Luc, (p.38)

La confiance :

« Pauvreté = incertitude = confiance » frère Luc, (p.40)

Un homme libre

lui qui soigna les militaires comme les maquisards, les policiers comme les islamistes (…). “Même le diable”, lança t’il un jour.” Michael Lonsdale, (p.41)

Le rôle de la femme :

L’islam n’a fait que voiler son visage sans pénétrer ses sentiments qui restent très humains. (…) il faut donc s’efforcer soit auprès des hommes soit auprès des femmes de travailler à cette assomption de la femme.” Frère Luc, (pp.56-57)

Les crises

Il a connu l’effondrement intérieur, le questionnement qui balaye le certitudes. Je suis aussi passé par ces crises qui menacent la vie même. C’est au feu qu’on éprouve l’or.” Michael Lonsdale, (p.64)

Les épreuves :

Mieux vaut trébucher sur le chemin que de courir hors de la route.” Saint Augustin, citation retrouvée dans les notes de frère Luc, (p.70)

Les circonstances de la vie :

« Nous pensons parfois que les évènements nous guident, et c’est vrai. Pourvu que ce soit dans le sens donné par Emmanuel Mounier : “L’évènement sera notre maître intérieur”, parce que c’est dans le monde d’aujourd’hui que nous sommes appelés. (…) Les évènements sont en eux-mêmes insignifiants. Ils ne prennent un sens et ne revêtent de l’importance que si nous les recevons comme venant de Dieu et les intégrons à Son Amour.” Frère Luc, (p.74)

La fidélité à l’appel :

Il nous faut être à l’écoute, presque à l’affût de ce qui se passe autour de nous, et nous engager. Jusqu’au bout. Nous sommes tous appelés et chacun avance dans sa propre vocation. (…) Qui que nous soyons et quelque soit notre âge, à tout moment résonne en nous un appel, qui demande une réponse.” (p.74)

La sainteté :

Voilà la source de cet engagement sans faille : devenir saint ! (…) … cette sainteté qui jette à la fois toutes ses forces dans le travail et faire et qui, devant nos limites et nos faiblesses, s’en remet à Dieu. Or, nous voulons toujours tout maîtriser, faire par nous-mêmes, rester aux affaires… Aller jusqu’au bout, oui, c’est le plus beau témoignage que nous pouvons rendre, mais en restant toujours dans la main de Dieu.” Frère Luc, (pp.74-75)

La vieillesse :

accepter de vieillir, de ne plus être nécessaire tout en restant utile, toujours : “Bien vieillir est affaire de transparence. Il faut que, comme pour les vieux habits, l’usure inévitable de notre être conduise à la transparence.” Gilbert Cesbron cité par frère Luc, (pp.75-76)

Le bonheur :

Si on veut être heureux, on va droit à la déception, au malheur. (…) Si tu veux être heureux, rends quelqu’un heureux.” Frère Luc, (p.79)

La mort :

Parce qu’elle est une rencontre avec Dieu, la mort ne peut être objet de terreur. La mort, c’est Dieu.” Préparer sa mort, c’est se préparer à la rencontre avec Dieu, c’est Le désirer et Le suivre dès aujourd’hui. (pp. 82-83) Ce n’est pas un chemin facile, les grands saints comme la petite Thérèse ou mère Teresa ont connu la nuit de la foi : “Pour aborder la mort, il faut non pas beaucoup de courage, mais beaucoup d’humilité.” Dans le climat de violence qui agite l’Algérie des années 90, frère Luc sait l’importance de se préparer à la mort à tout moment : “Être toujours et partout prêt à mourir.

Les villageois :

Impossible de les exposer ainsi. Cet élément très concret de discernement nous laisse en paix.” Frère Luc, (p.90)

Les menaces grandissantes :

Nous sommes comme l’oiseau sur la branche, prêts à nous envoler vers d’autres cieux! Des cieux nouveaux et une terre nouvelle. Partout où nous allons, partout où nous sommes, Dieu nous accompagne. Dieu n’est pas contre nous mais avec nous. (…) … nous n’aurons pas peur, car en franchissant le seul angoissant de la mort, nous trouverons le Christ qui nous introduira dans la maison du Père.” Frère Luc, (p.90)

L’abbé général des trappistes s’inquiète du danger encouru :

L’ordre n’a pas besoin de martyrs mais de moines” lance-t’il à Christian de Chergé (le prieur de Tibhirine) qui, après un silence, réplique : “Ce n’est pas incompatible…” (pp.91-92)

L’humilité :

« Voilà plus de trente ans que je désire le bonheur ainsi que la sainteté, le résultat me fait honte et peur…«  Frère Luc, (p.101)

La réconciliation :

Je suis réconcilié avec moi-même, avec cette pauvre dépouille. Il est plus facile que l’on croit de se haïr. La grâce est de s’oublier.” Citation extraite du Journal du Curé de Campagne de Georges Bernanos, retrouvée dans les notes de frère Luc, (pp.101-102)

L’humilité :

le jour où j’accepterai avec joie que l’on dise de moi “il n’a rien de remarquable”, ce jour où je serai vraiment humble, ce jour-là, je rendrai grâce à Dieu.” Frère Luc, (p.101)

Il en faut une belle dose d’humilité et de confiance pour passer toute sa vie accroché à la montagne du Moyen-Atlas, à soigner les pauvres, les malades, à prier le Seigneur dans le secret.” Michael Lonsdale, (p.102)

L’humilité, “c’est faire de la place à celui qui vient à nous.” Frère Luc, (p.102)

Le quotidien :

Frère Luc (…) ne perdait pas une minute, et savait être pleinement dans l’”aujourd’hui” de son existence.C’est cette attitude commune de patience et de disponibilité que les moines partageaient en ces temps troublés.” C’est ce que le frère Christian décrit comme “un surcroît d’appel pour ce “martyre” qui nous est destiné (…) Il définit depuis toujours l’état monastique : le pas à pas, le goutte à goutte, le mot à mot, le coude à coude… et c’est cela qu’il faut recommencer, en vie régulière, chaque matin, encore dans la nuit…” Michael Lonsdale, (p.105)

Le témoignage chrétien en terre d’Islam :

Il faudra résolument et probablement très longtemps encore ne pas reculer devant l’effort héroïque de pratiquer la charité pour deux, car à nous chrétiens, elle a été confiée. Cela demande de notre part un amour persévérant, désintéressé et surnaturel.” Frère Luc, (p.110)

Le salut :

Le salut nous est donné gratuitement. Dieu seul nous sauve, pourvu que nous acceptions le don de l’amour” La foi, c’est la confiance que tout vient de Dieu, que c’est le Père qui ouvre la porte à laquelle il nous suffit de frapper “Frappez et l’on vous ouvrira”. Frère Luc, (p.114)

Le Royaume des Cieux :

Le Royaume des pauvres est de plain-pied avec le Royaume éternel.” Frère Luc, (p.124)

Réaliser la paix en soi :

Le monde est ce qu’en font les grandes âmes, celles qui, au fond de soi, ont rejoint Dieu – C’est en réalisant la paix en soi qu’on réalise la paix dans le monde. C’est au-dedans de soi que l’on vainc les puissances de ténèbres qui sillonnent et dominent le monde.” Frère Luc, (p.135)

La confiance :

Demain c’est le secret de Dieu, dans cet inconnu Dieu se cache. Il est dans les évènements, dans la vie et dans la mort, la maladie et les malheurs. Ne crains rien : Je suis avec toi…” Frère Luc, (p.136)

Le dénuement :

Rappelant à Jésus notre dénuement extrême, je lui disais : Donnez-moi ce qu’il y a dans votre main. Alors il a ouvert sa main et j’ai vu qu’elle était percée ! (…) Seigneur Jésus, vous priez pour ceux qui vous crucifient et vous crucifiez ceux qui vous aiment.” Frère Luc, (p.138)

Grâce au martyre :

Et dire que, s’il n’y avait pas eu ce drame, nous n’aurions rien su d’une vie si dense, nous n’aurions jamais lu ses notes spirituelles…” Michael Lonsdale, (p.141)

… ce frère à qui je donnerais le bon Dieu sans confession.” Michael Lonsdale, (p.142)

L’amour de Dieu :

« Mon Dieu, je ne vous aime pas, je ne vous désire même pas, je m’ennuie avec vous. Peut-être même que je ne crois pas en vous. Mais regardez-moi en passant. Abritez-vous un moment dans mon âme, mettez-la en ordre d’un souffle, sans en avoir l’air, sans rien me dire. Si vous avez envie que je croie en vous, apportez-moi la foi. Si vous avez envie que je vous aime, apportez-moi l’amour. Moi, je n’en ai pas et je n’y peux rien.” Marie-Noël, citée par Michael Lonsdale, (p.143)

aimer Dieu :

Je n’aime pas Dieu : même envahi de la conviction que Dieu est Amour, je sens d’autant plus fortement que je n’aime pas ce Dieu qui m’aime. L’aveu, c’est de découvrir cela et de le dire à Dieu dans une humble confession : Tu es l’Amour dont je suis tout incapable si Tu ne donnes la capacité de T’aimer.” Frère Luc, (p.142)

Le sens de la vie :

Il est normal que nous nous demandions souvent à quoi notre vie peut bien être vraiment utile. La foi, c’est de croire que Dieu, Lui, la trouve utile, nécessaire à Son plan, indispensable à Sa joie.” Frère Luc, (p.144)

Le désespoir :

Il faut passer par un vrai désespoir pour arriver à la relation avec Dieu. Il faut désespérer de tout, de notre qualité morale, de nos vertus, de notre organisation ecclésiale, de notre doctrine, il faut passer vraiment par la mort. Dans cette situation de mort, de désespoir absolu, il ne nous reste qu’une personne : le Christ, et si l’on se tourne vers lui, c’est alors lui ouvrir ! Et à partir de ce moment-là commence un autre mode d’existence : on peut marcher sur les vagues.” Frère Luc, (p.145)

Le moine est un témoin :

Le moine n’est pas un convertisseur – il est témoin -, témoin devant Dieu, témoin devant les homes des devoirs envers Dieu, de la recherche de Dieu et de la vie en lui au-dedans de soi.” Frère Luc, (p.149)

La vieillesse joyeuse :

J’ai donc quatre-vingt-deux ans. Un homme âgé n’est qu’une chose misérable, à moins que son âme chante. Priez pour moi afin que le Seigneur me garde dans la joie.” Frère Luc, écrit dix jours avant l’enlèvement, (p.156)

Conclusion :

Mon existence n’a rien de semblable à la sienne, et pourtant Luc est pour moi un frère, un ami sur la route. Il ne nous appelle pas à tout quitter pour nous installer dans l’Atlas ou pour entrer dans un monastère. Non : il nous invite à nous enraciner et à tenir, à vivre dans la joie et l’allégresse, là où nous vivons. “Nous sommes dans l’épaisseur du monde, avec la violence et la haine. Mais il ne faut pas s’évader, il faut plutôt creuser cette place étroite, qui nous est donnée, et on trouvera Dieu et tout. L’amour creuse”.” Michael Lonsdale, (p.166)

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Petit traité de l’abandon

par Alexandre Jollien

résumé de l’ouvrage, note du 28 juillet 2018

  • L’abandon, le lâcher-prise.

Ne pas fixer ni figer la réalité dans une représentation. Soûtra du Diamant : « Le Bouddha n’est pas le Bouddha, c’est pourquoi je l’appelle le Bouddha. »

Ne pas renfermer dans des étiquettes. Non-fixation. Avancer. Éviter le nombrilisme et la mentalisation. Rien n’est exclusif à moi.

  • L’ami dans le bien.

Se laisser donner par la vie l’ami dans le bien qui va m’aider à franchir une nouvelle étape de mon existence. La vie donne les bons guides. Devenir un ami dans le bien de ses plus proches et laisser cette énergie aller plus loin. Non jugement. Écouter sans juger. Aimer inconditionnellement.

  • L’amour inconditionnel

« Tu peux faire n’importe quoi, tu ne peux pas faire que je ne t’aime pas ». Amour bienveillant pour les autres, à commencer par les plus proches. Qui commence par un amour envers sa propre existence et son propre corps. S’aimer comme s’il s’agissait de son être le plus cher. Porter ses propres faiblesses et l’image de soi avec bienveillance : regard inconditionnel sur son propre être et son corps. « J’aime tellement mon être que je suis invité à tout mettre en œuvre pour qu’il progresse, pour qu’il se délivre de tout ce qui l’empêche d’être joyeux et libre. ». Bienveillance totale : se libérer du passé, c’est le sens du pardon chrétien. On ne se réduit pas à ce que l’on a fait ou ce que l’on a été.

  • La bienveillance

D’abord vouloir le bien des autres, sans imposer sa propre version du bien. Sans se fixer dans le bien. Aller de l’avant.

  • Ce n’est pas compliqué

Poser des actes pour aller mieux. Ne rien surajouter quand les difficultés apparaissent.  Sans les nier, retourner au réel sans laisser l’imagination s’emballer. Revenir à l’immédiat. « Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce que j’ai sous les yeux pour passer à l’action et calmer le mental ? » Je verrai que chaque souci à une solution, que « ce n’est pas compliqué ». Cela m’aide à revenir à l’instant présent, à trouver la réponse adéquate à ce que dictent les circonstances. S’abandonner à la vie en trouvant une solution.

  • La comparaison

« Par réalité et par perfection, j’entends la même chose » Spinoza. La réalité est parfaite. Les difficultés sont agravées quand on se compare aux autres. Le chemin de vie, c’est d’accepter, accueillir tout son être, ne rien rejeter de lui. Trouver la beauté, la joie là où elles se donnent, dans cette vie et non dans une vie rêvée, idéalisée. La joie réside dans le quotidien et dans le banal. La question qu’il faut se poser, c’est « comment être dans la joie, ici et maintenant ? ». Pratiquer le dénuement de toutes les comparaisons. Ne pas avoir de regret. On ne refait pas la réalité que l’on a sous les yeux, on ne refait pas le monde, on passe plutôt à côté de la joie du moment présent et de ce qui nous est donné. La comparaison tue le monde et le réel. Aimer quelqu’un, comme on aime ses enfants, c’est l’imer sans comparaison, pour ce qu’il est dans sa singularité. Il faut laisser la réalité être pleinement ce qu’elle est sans la rapporter à des idéaux ou des comparaisons. « Juger la réalité, c’est vouloir occuper le trône de Dieu, et la place est déjà prise. »

  • Le dépouillement

Il s’agit tout simplement du dépouillement de soi-même. Du « moi-je », du « moi-d’abord », du rôle que j’essaie de jouer tous les jours, en permanence. « Plus de liens, moins de biens » : faire de l’ordre, se libérer chaque jour du trop. Ce que nous sommes n’est pas de l’ordre de la possession, ni ce que l’on ajoute à ce que l’on est pour être heureux. Tout le monde est la nature du Bouddha, nous sommes tous la nature du Bouddha. C’est la voie du détachement. Se débarrasser de toutes les représentations mentales dont on recouvre les choses, les êtres, nous-mêmes. Cesser de vouloir se conformer à l’image que nous avons de nous-mêmes. Se dépouiller, c’est se mettre à nu. Le calme est déjà là, en moi, à demeure. Si je le cherche ailleurs, je lui suis infidèle. Être dans le dépouillement, c’est être totalement soi, totalement nu pour laisser éclater la joie quiest déjà présente en nous. Tout est déjà donné en surabondance au fond du fond. Le don est la voie du détachement. Se dépouiller, ce n’est pas s’arracher quelque chose, ce n’est pas aller vers le manque ou la privation, mais au contraire s’ouvrir à ce que l’on est vraiment. Il s’agit de se dépouiller de tout ce qui n’est pas nous pour être ce que nous sommes vraiment. Commencer par de petits gestes quotidiens : se dépouiller du gros moi, bien installé, que je crois être mais qui m’étouffe, qui m’empêche d’être libre, joyeux, d’avancer nu.

  • Le désir

Il y a des désirs adéquats, ceux qui naissent au plus profond de soi, et des désirs inadéquats, ceux qui sont importés du dehors. Quel est le désir profond qui habite notre existence ? Souvent, il y a un gouffre entre ce que je veux réellement et ce après quoi je cours. D’où l’insatisfaction dans la vie. Il faut écouter les désirs qui me caractérisent et les considérer comme des enfants. Sans jugement a priori. Ne vouloir ni éduquer, ni domestiquer, ni maîtriser les désirs. Oser plutôt l’inaction. Rester calme et serein quand un désir se lève, et le regarder passer. Et savoir cohabiter avec le manque. Il ne faut pas chercher à combler le manque, mais à l’appréhender avec bienveillance. En faire un ami. Désir de ne pas souffrir. Tellement fort qu’il me protège de la vie, m’empêchant de la goûter pleinement, c’est-à-dire l’abandon.

  • La détente

La joie procède de la non-tension, et de l’acceptation. Ne pas chercher la détente, mais l’atteindre au fond de nous. Selon Swami Prajnânpad, aimer quelqu’un, c’est l’aider à se détendre.

  • La détermination

Vers l’héroïsme de la petite joie quotidienne. L’abandon n’est pas du tout la résignation, mais plutôt l’action d’action en action. Être totalement dans ce que l’on est. Rien d’autre. Shikantanza : « juste être assis ». Persévérance : continuer coûte que coûte à avancer,  à progresser tel qu’on est. Ce qui compte, c’est faire ce pas, juste celui-ci. Demain, on verra. Hier, c’est du passé. En étant juste assis, ici et maintenant, on laisse jaillir la nature du Bouddha. Il ne s’agit pas de faire mais d’agir.

Abandon et détermination font bon ménage. La détermination, ce n’est pas dire « un jour je serai guéri » mais « la guérison, c’est ici et maintenant ». et trouver le pas à franchir aujourd’hui. Il faut beaucoup de détermination pour avoir l’audace de s’abandonner. L’héroïsme du quotidien, de l’émerveillement d’un rayon de soleil au réveil, du chant d’un oiseau. Goûter à fond le réel. Aristote dit que c’est en pratiquant la vertu qu’on acquiert la vertu. C’est en faisant des petits actes de confiance que l’on devient confiant. Il ne s’agit pas d’importer la confiance mais de voir qu’elle est déjà en nous. Ne pas vouloir non plus se protéger de la vie. La dimension tragique de l’existence fait partie de la vie. « Mille pas en avant, 999 en arrière, c’est cela le progrès ».  Apprendre à vivre avec nos blessures, cohabiter avec elles sans s’en guérir nécessairement. Juste être là. Juste être un ami. Juste être un papa. Je suis déterminé à devenir ce que je suis avec une infinie patience.

  • La foi et la prière

Lorsque je médite en profondeur, la réponse est oui : j’ai la foi. Au niveau du cœur, j’y crois totalement. Rationnellement, c’est plus compliqué. La joie vient quand on a réalisé le contraste entre le cœur et l’esprit : invitation à descendre au fond du fond. Comme en pleine mer : à la surface, il y a mille vagues mais au fond du fond, c’est calme, immensément calme et bienveillant. Il faut tendre l’oreille à son propre cœur qui, lui, est déjà en paix. Le cœur, d’ailleurs, ne dit jamais non. Il accepte la réalité, le handicap, la souffrance, les regards. C’est l’esprit qui s’en éloigne. Le mental. Ne pas aimer une image de Dieu ou de ceux qu’on aime, l’aimer pour lui ou elle-même (exercice de jeter la croix contre un mur). Ne pas aimer d’image parfaite et impeccable des autres.

La prière, c’est se présenter nu à Dieu, sans attentes. Pas une demande. Quand on dit « donne-moi ça », on se coupe de tout, on se fixe, on se borne à un résultat. Être sans attente. Se laisser ouvrir. Oser laisser la vie sans vouloir changer quoique ce soit. Oser lâcher cette obligation de résultat, de réponse, et le silence devient un lieu de ressource. Parfois, dans l’épreuve, ma prière c’est juste être là. Attendre sans attendre, dans la confiance. Être nu devant Dieu, confiant et sans attendre. La confiance, ce n’est pas « j’attends des trucs ».

Saint Augustin : « Ne fuis pas. Rentre en toi-même. C’est dans le cœur de l’homme qu’habite la vérité. » Alors, quand c’est nécessaire, ne pas avoir peur de prendre le sous-marin de l’âme pour descendre au plus profond de soi, pour y entrendre silencieusement un conseil, une voix discrète dans les tumultes de nos caprices, qui indique non pas un chemin à suivre mais une direction, qui suggère le pas à faire. » Ne pas nier la grandeur de Dieu et la liberté infinie de l’homme.

Pour le chrétien, la prière procède avant tout d’une rencontre avec le Christ. Avec l’échec, sauf son adhésion totlae à la vie. La croix, c’est le degré zéro de l’espoir. Jésus à tout raté au moment de la croix. Pourtant, c’est là que la vie commence. La vie gagne du terrain à ce moment, en même temps qu’elle perd. C’est le degré zéro de la vie humaine, il n’y a pas d’espoir, et pourtant ce degré zéro devient le lieu du salut.

  • La fragilité et la patience

Ce qui m’aide le plus, c’est l’abandon et les amis dans le bien. Trouver auprès de soi ceux qui ne jugent pas, qui sont en totale ouverture de qui l’on est. L’amour inconditionnel. Dans l’adversité, ne faites rien, attendez ! Pratiquer l’abandon. Attendre que la vague passe. Ne rien vouloir changer. C’est, paradoxalement, ce qui peut aider le plus à changer. Essayer d’être là. Marcher quarante ans dans la tentation avant de pouvoir se tenir devant le Seigneur. Ne plus considérer ses blessures comme l’ennemi à abattre mais plutôt les accueillir. La prière, c’est être au fond du fond de nous-mêmes, là où la joie nous précède. Mais il faut marcher quarante ans parmi la tentation. Marcher dans la blessure et l’angoisse tout en étant dans la joie. Ce n’est pas quand j’aurai réglé tous mes comptes avec la vie que je serai heureux. C’est ici et maintenant, avec mes mille blessures, que je suis déjà dans la joie. Oser la patience, oser la non-lutte. Distinguons ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous (Épictète). S’il y a des souffrances qui dépendent de nous et que nous pouvons éviter, il faut tout mettre en œuvre pour passer à autre chose. S’il en est qui nous résistent et qui sont inévitables, il faut oser la patience. La paience n’est pas un effort, ni une crispation, mais un laisser-être, un abandon.

  • La gratitude

S’exercer à la gratitude. La joie, c’est s’ouvrir à ce qui est, et donner quotidiennement. Elle est plus de l’acte de recevoir que de celui de conquérir. L’exercice de la gratitude ouvre notre capacité à recevoir tout ce que la vie donne.

Commencer par bien regarder autour de nous. La vie est comme un tonneau (Platon, Gorgias). Tout ce que l’on y met s’en échappe. Comme dans la vie. D’où le manque et le vide. La gratitude n’est pas de nier le tragique de l’existence. C’est de se nourrir de ce qui va bien, de savourer tout ce qui est donné. Relire aussi le passé, sans regret ou remords. Considérer la vie comme un dû et non comme un cadeau, c’est se préparer à beaucoup de souffrances. Considérer les immenses cadeaux de la vie, notre propre santé, celle de nos enfants, revisiter tout ce que l’on reçoit avec une liberté nouvelle, en profiter encore plus, sans s’accrocher, sans s’agripper.

  • La gratuité

Retrouver le rapport naïf et innocent à l’existence des enfants lorsqu’ils jouent. Ne chercher ni but, ni esprit de profit qui augmentent le stress. Demander chaque matin que ce soit le bon Dieu qui donne ce qui est essentiel pour la journée qui vient. « Aujourd’hui, être moins mal qu’hier. Demain, meilleur qu’aujourd’hui, et ainsi de suite. Avec la grâce de Dieu » (Jean XXIII). Être présent à soi-même, à ce que l’on fait et que l’on s’y maintienne sous le regard de Dieu. En le mettant en œuvre dès les premières actions de la journée. Il ne s’agit pas de tout recommencer, mais de commencer ici et maintenant tout ce que l’on fait. Je suis fait entièrement pour ce que je fais à la minute même. Toute mon histoire y afflue comme une rivière, en un point crucial. Mes souffrances, mes joies, tout dans ma vie converge dans cet acte. Je peux être totalement dans l’action sans penser à ce que je ferai après. « La rose est sans pourquoi. Elle fleurit parce qu’elle fleurit. » (Angelus Silesius). Elle ne se demande pas si elle est regardée, elle ne vit pas pour les autres. C’est une invitation à savourer la gratuité. Il n’y a pas de sens à l’existence. Il n’y a pas à chercher pourquoi j’existe. La vie est purement gratuite. Il faut plutôt se demander comment je peux donner le maximum de tout ce que je suis aujourd’hui. La vie n’est jamais loupée. La vie n’est pas à réussir. Ce n’est pas un objectif. Vivre est à soi sa propre fin. La gratuite est déjà donnée. Je n’ai qu’à tendre les bras.

  • L’humilité

Le zen parle du miroir vide. Le miroir reflète la réalité sans la déformer, sans s’en accaparer ni rien rejeter. On peut mettre une ordure devant un miroir, il reste propre. L’humilité, c’est refléter et se connaître adéquatement. Voir ce qui est, être dans le vrai. Exercice spirituel qui nous empêche de nous replier sur nous-mêmes, être avec tout ce qu’il y a dans le monde, dans notre chaos intérieur, sans se replier sur notre nombril. Être vrai. Ne pas en rajouter. Laisser l’autre être ce qu’il est sans avoir la prétention de vouloir le changer.

Ce qui contrarie le plus l’humilité, c’est la prétention. Celle de maîtriser la vie, de vouloir changer l’autre, celle qui nous éloigne de la terre. Humus-Humour. Être à sa juste place. Acquiescement total à soi. Être en accord total avec la réalité du moment. Je ne suis pas ce que j’étais hier, je ne suis pas ce que je serai demain. Je suis humblement ce que je suis ici et maintenant. Pleinement, joyeusement.

  • Le loup de Gubbio

Le calme advient quand on a cessé toute lutte et toute tentative d’aplanir ce qui ne peut l’être. Savoir comment réagir à nos ennemis intérieurs, nos angoisses, nos peurs, nos tristesses : les grands méchants loups de nos vies.

  • La peur

Ce qui m’empêche le plus de goûter à l’abandon et à la confiance en la vie ou en Dieu, c’est bien la peur, l’angoisse, l’anxiété. Dame Frayeur qui me visite et me revisite. Combat de chaque matin pour traverser l’épais brouillard pour atteindre la paix. Ce qui m’aide, c’est la pratique d’une heure de méditation par jour. Je regarde alors passer les idées, elles se présentent, sans les refuser ni m’agripper à aucune d’elles. Je laisse passer, sans laisser le pouvoir aux plus cauchemardesques d’entre elles de me démolir. L’exercice de la méditation consiste à voir la vacuité, à se laisser totalement détendre dans la vacuité. (Mathieu Ricard). À considérer les pensées comme des oiseaux. Derrière les oiseaux, il y a toujours un ciel immensément bleu. Ne pas fixer les oiseaux de la peur, de l’angoisse, en oubliant le principal. Le ciel. Même s’il y a des paquets d’oiseaux, il suffit de chercher les petits coins de ciel bleu. La paix, la nature de Bouddha qui est déjà là. Je suis fort étonné d’apercevoir autant de ciel bleu dans ma vie. Ne pas céder à l’habitude viscérale de se focaliser sur ce qui ne va pas et restreint le champ de vision.

  • La rencontre

Pourquoi une voie spirituelle ? Pourquoi prier ? Pourquoi oser l’abandon qui paraît si difficile à atteindre ? Nos vies spirituelles sont souvent biaisées, guidées par des aspirations narcissiques. Nous sommes pourtant des animaux politiques. Nous vivons en société, grâce à l’autre, grâce aux rencontres. Sinon, nous ne serions plus de ce monde. On a peur de la dépendance. On m’apprenait l’autonomie quand j’étais petit, savoir tout faire tout seul. Aujourd’hui, j’essaie d’aller vers l’autre nu et sans protections. Heureusement, je suis influencé par l’autre. L’art de la rencontre : comment oser l’abandon en rencontrant l’autre ?

Rencontrer l’autre, c’est se reposer un peu de soi. Plutôt que de se replier sur soi, rencontrer l’autre, c’est se dépouiller un peu de soi et de tout ce que l’on projette sur l’autre. Ne pas enfermer l’autre dans nos catégories mentales, comme le dit Spinoza « si je vis cela, l’autre doit nécessairement vivre la même chose que moi. » Ne pas considérer non plus l’autre comme un ennemi. Au contraire : se dénuder. J’essaie d’avoir ce regard sur tous ceux que je rencontre : « tu peux faire n’importe quoi, tu ne peux pas faire que je ne t’aime pas. » Rencontrer l’autre, c’est mettre à bas nos préjugés. C’est aller vers un autre monde. Sortir des rôles que nous jouons. Se mettre totalement à l’écoute de l’autre. Plus on s’intéresse à l’autre, plus on a des chances d’obtenir ce que l’on souhaite. C’est le retour au don, on récolte ce que l’on sème. Être là. Juste être soi, ni plus ni moins, et être ouvert à l’autre.

  • Le rire

Ne pas prendre la vie au sérieux. Rire de soi, jamais de l’autre. « on peut rire de tout mais se moquer de personne ». Le rire travaille pour la vie, il est un signe que la vie gagne du terrain. Même dans les moments les plus tragiques de la vie, le rire n’est jamais absent. C’est un rire, un sourire plutôt, une adhésion au réel. Quand on rit, on laisse éclater sa joie, le moi part à la course e la vie apparaît sans barrières. Le rire empêche de se fixer. Rire de soi, instrument de vie qui déracine toute fixation narcissique et nous aide à avancer.

  • La simplicité

Le mental s’évertue à créer des problèmes là où il n’y en a pas. Chaque soir, recevoir par un petit examen de conscience les joies de la journée et voir tout ce que je peux corriger dès le lendemain. Une vie simple passe par de petites habitudes qui visent à simplifier l’existence plutôt qu’à la remplir. Mener une vie simple, c’est s’abandonner à tout. Commencer une vie simple, c’est se demander ce qu’il y a de central dans mon existence : les problèmes, les crispations, les tensions ? Et vivre, simplement. Un moine m’a dit un jour : « Vous tournez autour du pot. Vous cherchez la simplicité, l’abandon, la joie. Vous êtes déjà tout cela. Laissez vos questions. Laissez tout de côté et soyez heureux. » Ce moine m’a invité a repartir sans vouloir changer quoique ce soit.

La simplicité, c’est bien davantage que l’acceptation de soi. C’est être avec soi, avec une infinie bienveillance.

  • Le zen

Un jour, j’ai suivi une brève initiation au zen, à la méditation assise et je me suis aperçu, oh ! merveille, que le calme que je recherchais par la philosophie, par les concepts, était déjà inscrit au fond de mon cœur. On essaie pas de devenir ou de rester zen. Pour moi, le zen, c’est se contenter d’être. Il ne s’agit pas d’essayer quoique ce soit.

Ne pas chercher à s’attacher à des pensées. L’image du torrent qui coule naturellement du haut de la montagne vers la plaine. Pour l’esprit, c’est pareil. Les idées coulent, s’écoulent, et il faut les laisser faire. Dès qu’au contraire on se fige dans la colère, la haine, il y a souffrance. Les idées ne sont pas un problème si elles ne s’attardent pas en moi, si je les laisse quitter mon esprit avec bienveillance, sans les condamner, sans les retenir. Le bouddhisme tibétain suggère de regarder nos pensées comme s’il s’agissait de nos enfants que nous contemplons, que nous surveillons paisiblement.

Le Bouddha n’est pas le Bouddha, c’est pourquoi je l’appelle le Bouddha. Tout ce que l’on croit savoir sur la réalité, ce ne sont que des étiquettes qui la figent. Il s’agit de laisser aller la vie, de danser avec elle sans vouloir l’immobiliser. Guillaume n’est pas Guillaume, c’est pourquoi je l’appelle Guillaume. Il faut faire exploser mes préjugés et ma vision du monde. Moi-même, à chaque respiration, à chaque expiration, je meurs et je renais. Il s’agit de tout donner à la vie pour tout recevoir. Plus on s’accapare la vie, moins on reçoit d’elle.

Quand tu marches, marche ? quand tu es assis, sois assis. Surtout, n’hésite pas. Je suis sans arrêt hors de la vie, à commenter le présent et à anticiper l’avenir, sans jamais savourer l’action simple, sans goûter l’abandon, le oui simple et joyeux.

On est perpétuellement en train de juger la vie, et le moi semble programmé pour refuser le réel. Il y a toujours pour lui quelque chose qui cloche, qui n’est pas à la hauteur. En somme, les trois principes que je viens de résumer nous invitent à retourner au ras des pâquerettes, tout près de la vie, dans l’existence.

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Une vie bouleversée

suivi de Lettres de Westerbork

de Etty Hillesum

note du 9 mars 2017

Page après page, pas à pas, j’ai suivi Etty Hillesum. La semaine dernière, un appel intérieur m’avait poussé à lire son livre, je sentais profondément qu’il répondrait aux besoins précis que j’ai en ce temps de ma vie.

Ce fut le cas, ce l’est encore, après avoir refermé le livre il y a quelques jours. J’ai rencontré l’émerveillement, la grâce grandissante qui a inondé la vie de cette jeune femme hollandaise.

Elle vécut la montée du nazisme dans son pays, la lente détérioration des conditions de vie, les privations de droit que l’occupant imposait méthodiquement en suivant toujours le modèle de ce que subissaient les juifs d’Allemagne. On ne peut imaginer épreuve plus difficile que celle qu’elle a traversée, au point d’y laisser sa vie.

Pourtant, plus les difficultés se sont accumulées, plus elle a découvert Dieu, la joie, l’amour des autres qu’elle n’a cessé d’entraider.

Etty Hillesum était animée par une double lucidité.

La première, celle de l’inéluctable. Il ne servait à rien de se plaindre, de se révolter ou d’espérer des miracles extérieurs improbables. Elle sut accepter le déroulement de son existence, jour après jour.

La seconde, qui est plus lumière que lucidité, c’est la découverte progressive de Dieu, de la paix, de la joie à chaque instant et malgré des évènements de plus en plus lourds.

Son compagnon vient de mourir près d’elle ? Elle se réjouit de l’avoir connu et, aussi, qu’il n’ait plus à endurer les épreuves qui vont, elle le sait, aller de mal en pire.

Ni sainte ni religieuse, ni pratiquante ni engagée pour une cause particulière, Etty Hillesum était une jeune citadine émancipée pour son temps.

Celle qui voulait devenir un grand écrivain a laissé d’elle, sous la forme d’un journal, un témoignage comme je n’en avais jamais connu. De grands auteurs l’accompagnent toujours, Dostoïevski, Rilke surtout et jusqu’à la fin et, bientôt, les Évangélistes : Elle va trouver dans les textes de Mathieu ou de Marc la lumière et la force qui vont de plus en plus la rapprocher de Dieu et, parfois, du visage du Christ. Si Dieu est peu cité dans les premières pages, il apparaît de plus en plus souvent au point de devenir, au coeur de la tourmente, celui dont la présence est immanente, dont l’amour est partout. 

Un Dieu qu’elle découvre, un Dieu fragile et malmené par la folie des hommes. À tel point que la jeune femme va décider de le protéger, de le préserver dans son coeur. Les passages de son journal où Etty déclare son… aide à Dieu sont parmi les plus beaux. Je n’ai pas les mots pour dire mon émotion devant la tendresse, la douceur de sa relation avec Dieu, et son désir si profond et apparemment inversé de protéger Dieu et de « défendre cette demeure qui l’abrite en nous« . Dans des circonstances si exceptionnelles, Etty a découvert Celui que nous cherchons et que, si souvent, nous ne savons pas trouver.

Un Dieu qui ne va cesser de grandir en elle : La compassion d’Etty Hillesum est admirable. Elle ne se plaint jamais. Plutôt que de chercher à fuir, elle n’a de cesse de vouloir secourir, aider proches ou inconnus. La dernière phrase de son journal est celle qui dit tout d’elle :

On voudrait être un baume versé sur tant de plaies.” (p.245)

Surtout, elle est incapable de juger et de maudire même ceux qui, devant elle, commettent les crimes les plus abjects, parce qu’elle voit toujours en eux l’humanité, la faiblesse, les raisons qui expliquent, sans les justifier, de tels actes.

Elle fait le choix de ne pas rentrer dans l’énumération des faits, de ne pas décrire l’horreur. Elle le sait, d’autres s’en chargent. Il lui arrive pourtant de décrire quelques scènes qui disent le tragique et l’absurde qui, même, en deviennent parfois cruellement comiques. Les gouffres de l’enfer sont en train de s’ouvrir, Etty Hillesum pressent le danger qu’il y aurait à se trop se pencher sur eux. Elle écrit son journal, où elle approfondit son cheminement, où elle recherche la signification de sa propre vie, où elle comprend l’importance de sa relation amoureuse avec l’homme qu’elle a le plus aimé dans sa vie, où elle suit avec précision l’évolution de sa prise de conscience et de son éveil intérieur. Elle reçoit une grâce aussi merveilleuse qu’inattendue, car elle ne semble même pas l’avoir demandée. Celle de l’amour, de la joie et du présent. Elle va réussir à les vivre et les exalter tous les jours, apportant de plus en plus de réconfort autour d’elle, auprès des déportés, des internés qu’elle accompagne de son mieux et avec qui elle va bientôt partager le sort.

Souvent, la simplicité de ses propos, son style direct, parfois même léger, sa finesse et son élégance donneraient l’impression au lecteur que ses lignes ont été écrites en temps de vacances… Ce n’est pas un des moindres profits de ce livre, que de donner au lecteur du courage en lui réapprenant à goûter l’instant présent, en toutes circonstances…

Volontaire puis emprisonnée à Westerbork, qui fournissait aux camps de concentration de l’Est les dizaines de milliers de juifs victimes des rafles organisées dans tout le pays et autour, elle ne pourra plus tenir son journal comme elle le faisait à Amsterdam. Elle va pourtant continuer d’écrire des lettres aux amis restés libres avant d’être à son tour déportée dans les trains à bestiaux destiné à Auschwitz, où elle mourra un mois et demi plus tard, en novembre 1943. Son manuscrit, retrouvé et publié en Hollande en 1981, a été traduit en de très nombreuses langues. Il est encore aujourd’hui un best-seller, et devrait le rester longtemps.

Thomas Merton a écrit “Au centre de notre être est un point vide, qui est vierge de péché et d’illusion, un point de vérité pure, une étincelle qui appartient à Dieu” Ce livre m’a offert de toucher ce point, de découvrir la grâce de l’instant, de sa paix, de l’amour merveilleux qui est en tout.

Comme un livre saint, une prière, un éveil, je voudrais restituer ici un peu de ce que j’ai reçu d’Etty Hillesum. Que le lecteur me pardonne le nombre et, souvent, la longueur de ces citations. Mais je ne doute pas que, s’il les lit comme moi, il comprendra pourquoi…

Journal

1. Où est Dieu ?

Il y a en moi un puits très profond. Et dans ce puits, il y a Dieu. Parfois, je parviens à l’atteindre. Mais plus souvent, des pierres et des gravats obstruent ce puits, et Dieu est enseveli. Alors il faut le remettre au jour.

Il y a des gens, je suppose, qui prient les yeux levés vers le ciel. Ceux-là cherchent Dieu en dehors d’eux. Il en est d’autres qui penchent la tête et la cachent dans leurs mains, je pense que ceux-ci cherchent Dieu en eux-mêmes.” (p.55)

2. du moment présent

Fais ce que ta main et ton esprit trouvent à faire, immerge-toi dans l’heure présente, ne rumine pas tes angoisses et tes soucis en anticipant sur les heures suivantes. Je vais devoir reprendre en main ton (mon) éducation.” (p.69)

3. de la peur

Cette peur de ne pas tout avoir dans la vie, c’est elle justement qui vous fait tout manquer. Elle vous empêche d’atteindre l’essentiel.” (p.73)

4. de la fidélité, des hommes

Je suis fidèle à tout le monde. Je marche dans la rue aux côtés d’un homme en tenant des fleurs blanches qui font un bouquet de mariée, et je lui lance des regards radieux ; il y a douze heures j’étais dans les bras d’un autre homme et je l’aimais – et je l’aime. Est-ce manquer de délicatesse ? Est-ce être “décadente” ? Pour moi, c’est parfaitement normal. Peut-être parce que l’amour physique n’est pas – ou n’est plus – l’essentiel pour moi. C’est un autre amour, plus vaste.” (p.88)

et aussi

J’ai beaucoup trop d’amour en moi pour me contenter de le donner à un seul être. L’idée que l’on ait le droit d’aimer, sa vie durant, un seul être, à l’exclusion de tout autre, me paraît bien ridicule. Il y a là quelque chose d’appauvrissant et d’étriqué. Finira-t-on par comprendre à la longue que l’amour de l’être humain en général porte infiniment plus de bonheur et de fruits que l’amour du sexe opposé, qui enlève de la substance à la collectivité ?” (p.242)

5. de la gratitude

La seule vraie certitude touchant nos vies et nos actes ne peut venir que des sources qui jaillissent au fond de nous-mêmes. Je le dis en cet instant avec beaucoup d’humilité et de gratitude et je le pense profondément (…) : “Mon Dieu, je te remercie de m’avoir faite comme je suis. Je te remercie de me donner parfois cette sensation de dilatation, qui n’est rien d’autre que le sentiment d’être pleine de toi. Je te promets que toute ma vie ne sera qu’une aspiration à réaliser cette belle harmonie, et à obtenir cette humilité et cet amour vrai dont je sens en moi la possibilité à mes meilleurs moments.” (p.91)

6. du mal qui est en chacun de nous

Et la saloperie des autres est aussi en nous. Et je ne vois pas d’autre solution, vraiment aucune autre solution que de rentrer en soi-même et d’extirper de son âme toute cette pourriture. Je ne crois plus que nous puissions corriger quoi que ce soit dans le monde extérieur, que nous n’ayons d’abord corrigé en nous. L’unique leçon de cette guerre est de nous avoir appris à chercher en nous-mêmes et pas ailleurs.” (p.104)

7. d’un misérable gestapiste

En fait, je n’ai pas peur. Pourtant, je ne suis pas brave, mais j’ai le sentiment d’avoir toujours affaire à des hommes, et la volonté de comprendre autant que je le pourrai le comportement de tout un chacun. C’était cela qui donnait à cette matinée sa valeur historique : non pas de subir les rugissements d’un misérable gestapiste, mais bien d’avoir pitié de lui au lieu de m’indigner, et d’avoir envie de lui demander : “As-tu donc eu une enfance aussi malheureuse, ou bien est-ce que ta fiancée est partie avec un autre ?” “ (p.106)

8. des horreurs commises

Autre leçon de cette matinée : la sensation très nette qu’en dépit de toutes les souffrances infligées et de toutes les injustices commises, je ne parviens pas à haïr les hommes. Et que toutes les horreurs et les atrocités perpétrées ne constituent pas une menace mystérieuse et lointaine, extérieure à nous, mais qu’elles sont toutes proches de nous et émanent de nous-mêmes, êtres humains. Elles me sont ainsi plus familières et moins effrayantes. L’effrayant c’est que des systèmes, en se développant, dépassent les hommes et les enserrent dans leur poigne satanique, leurs auteurs aussi bien que leurs victimes, de même que de grands édifices ou des tours, pourtant bâtis par la main de l’homme, s’élèvent au-dessus de nous, nous dominent et peuvent s’écrouler sur nous et nous ensevelir.” (p.107)

9. l’homme dans sa nudité, sa fragilité

On a parfois le plus grand mal à concevoir et à admettre, mon Dieu, tout ce que tes créatures terrestres s’infligent les unes aux autres en ces temps déchaînés. Mais je ne m’enferme pas pour autant dans ma chambre, mon Dieu, je continue à regarder tout en face, je ne me sauve devant rien, je cherche à comprendre et à disséquer les pires exactions, j’essaie toujours de retrouver la trace de l’homme dans sa nudité, sa fragilité, de cet homme bien souvent introuvable.” p.117

10. le coeur de la vie

J’avais l’impression de reposer contre la poitrine nue de la vie et d’entendre le doux battement régulier de son coeur. (…) et ses bras qui m’enlacent sont si doux et si protecteurs – et le battement de son coeur, je ne saurais même pas le décrire : si lent, si régulier, si doux, presque étouffé, mais si fidèle, assez fort pour ne jamais cesser, et en même temps si bon, si miséricordieux. Tel est une fois pour toutes mon sentiment de la vie, et je crois qu’aucune guerre au monde, aucune cruauté si absurde soit-elle, n’y pourra rien changer.” (p.119)

11. de la primauté de la vie intérieure

Chez moi, tout va de l’intérieur vers l’extérieur, non en sens inverse. Généralement, les mesures les plus menaçantes – et elles ne manquent pas en ce moment – viennent se briser sur ma certitude et confiance et, ainsi filtrées par moi, perdent le plus clair de leur caractère menaçant.” (p.127)

12. Je suis une femme heureuse

On ne peut rien nous faire, vraiment rien. On peut nous rendre la vie assez dure, nous dépouiller de certains biens matériels, nous enlever une certaine liberté de mouvement tout extérieure, mais c’est nous-mêmes qui nous dépouillons de nos meilleures forces par une attitude psychologique désastreuse. En nous sentant persécutés, humiliés, opprimés. En éprouvant de la haine. En crânant pour cacher notre peur. On a bien le droit d’être triste et abattu, de temps en temps, par ce qu’on nous fait subir ; c’est humain et compréhensible. Et pourtant, la vraie spoliation c’est nous-mêmes qui nous l’infligeons. Je trouve la vie belle et je me sens libre. En moi des cieux se déploient aussi vastes que le firmament. Je crois en Dieu et je crois en l’homme, j’ose le dire, sans fausse honte. La vie est difficile mais ce n’est pas grave. (…) Ce petit morceau d’éternité qu’on porte en soi, on peut l’épuiser en un mot aussi bien qu’en dix gros traités. Je suis une femme heureuse et je chante les louanges de cette vie, oui vous avez bien lu, en l’an de grâce 1942, la énième année de guerre. » (pp.132-133)

13. La vie est belle

J’ai déjà subi mille morts dans mille camps de concentration.Tout m’est connu, aucune information nouvelle ne m’angoisse plus. D’une façon ou d’une autre, je sais déjà tout. Et pourtant je trouve cette vie belle et riche de sens. À chaque instant.” (pp.139-140)

et plus loin

“Je trouve la vie belle, digne d’être vécue et riche de sens. En dépit de tout.” (p.143)

14. de l’angoisse et de la mort

La plupart des Occidentaux ignorent l’art de souffrir, tout ce qu’ils savent c’est se ronger d’angoisse. Ce que vivent la plupart des gens, ce n’est plus une vie : peur, résignation, amertume, haine, désespoir. Mon Dieu, c’est bien compréhensible ! (…) Il faut accepter la mort comme élément naturel de cette vie, même la mort la plus affreuse. Et ne vivons-nous pas chaque jour une vie entière et importe t’il vraiment que nous vivions quelques jours de plus ou de moins ?” (p.141)

également

L’Occidental n’accepte pas la souffrance comme inhérente à cette vie. C’est pourquoi il est toujours incapable de puiser des forces positives dans la souffrance.” (pp. 178-179)

encore

Pour la plupart des gens, la plus grande souffrance, c’est leur totale impréparation intérieure : ils périssent lamentablement ici même avant d’avoir vu l’ombre d’un camp de concentration.” (p.182)

15. de la place de la souffrance

Je vis chaque minute de ma vie multipliée par mille et, de surcroît, je fais une place à la souffrance. Et ce n’est certes pas une place modeste que la souffrance revendique de nos jours. Et qu’importe, en dernière analyse, si à telle époque c’est l’Inquisition, à telle autre la guerre et les pogroms, qui font souffrir les gens ? La souffrance a toujours revendiqué sa place et ses droits, peu importe sous quelle forme, elle se présente. Ce qui compte, c’est la façon de la supporter, savoir lui assigner sa place dans la vie tout en continuant à accepter cette vie.” (p.142)

16. de la peur de la mort

En disant : “J’ai réglé mes comptes avec la vie”, je veux dire : l’éventualité de la mort est intégrée à ma vie ; regarder la mort en face et l’accepter comme partie intégrante de la vie, c’est élargir cette vie. À l’inverse, sacrifier dès maintenant à la mort un morceau de cette vie, par peur de la mort et refus de l’accepter, c’est le meilleur moyen de ne garder qu’un pauvre petit bout de vie mutilée, méritant à peine le nom de vie. Cela semble un paradoxe : en excluant la mort de sa vie on se prive d’une vie complète, et en l’y accueillant on élargit et on enrichit sa vie.” (p.146)

17. le soupçon d’éternité

C’est une expérience de plus en plus forte chez moi ces derniers temps : dans mes actions et mes sensations quotidiennes les plus infimes se glisse un soupçon d’éternité. Je ne suis pas seule à être fatiguée, malade, triste ou angoissée, je le suis à l’unisson de millions d’autres à travers les siècles, tout cela c’est la vie : la vie est belle et pleine de sens dans son absurdité, pour peu que l’on sache y ménager une place pour tout et la porter tout entière en soi dans son unité ; alors la vie, d’une manière ou d’une autre, forme un ensemble parfait.” (p.149)

18. des humiliations et des détériorations de vie croissantes

Je passe mon temps à prendre congé de tous les bienfaits de la civilisation.” (p.152)

19. de sa relation avec S. , l’homme de sa vie

Nous sommes entrés dans une nouvelle réalité et tout a pris d’autres couleurs, d’autres accents. Entre nos yeux, nos mains, nos bouches passe désormais un courant ininterrompu de douceur et de tendresse où le désir le plus ténu semble s’éteindre. Il ne s’agit plus désormais que d’offrir à l’autre toute la bonté qui est en nous. Chacune de nos rencontres est aussi un adieu.” (p.157)

20. je suis heureuse

Je me sens étonnamment heureuse, non pas d’un bonheur exalté ou forcé, mais tout simplement heureuse, parce que je sens douceur et confiance croître en moi de jour en jour. Parce que les faits troublants, menaçants, accablants qui m’assaillent ne produisent chez moi aucun effet de stupeur. Parce que je persiste à envisager et à vivre ma vie dans toute la clarté et la netteté de ses contours.” (p.159)

21. s’affranchir des conventions

La vie est si curieuse, si surprenante, si nuancée, et chaque tournant du chemin nous découvre une vue entièrement nouvelle. La plupart des gens ont une vision conventionnelle de la vie, or il faut s’affranchir intérieurement de tout, de toutes les représentations convenues, de tous les slogans, de toutes les idées sécurisantes, il faut avoir le courage de se détacher de tout, de toute norme et de tout critère conventionnel, il faut oser faire le grand bond dans le cosmos : alors la vie devient infiniment riche, elle déborde de dons, même au fond de la détresse.” (p.164)

22. de la paix intérieure

“On dirait qu’à chaque instant des fardeaux de plus en plus nombreux tombent de mes épaules, que toutes les frontières séparant aujourd’hui hommes et peuples s’effacent devant moi, on dirait parfois que la vie m’est devenue transparente, et le coeur humain aussi ; je vois, je vois et je comprends sans cesse plus de choses, je sens une paix intérieure grandissante et j’ai une confiance en Dieu dont l’approfondissement rapide, au début, m’effrayait presque, mais qui fait de plus en plus partie de moi-même.” (p.166)

23. Aider Dieu

Et si Dieu cesse de m’aider, ce sera à moi d’aider Dieu. Peu à peu toute la surface de la terre ne sera plus qu’un immense camp et personne ou presque ne pourra demeurer en dehors. C’est une phase à traverser. (…) C’est probablement ce qui me donne cette allégresse et cette paix intérieures : je suis capable de venir à bout de tout, seule et sans que mon coeur se dessèche d’amertume, et mes pires moments de tristesse, de désespoir même, laissent en moi des sillons fertiles et me rendent plus forte. Je ne me fais pas beaucoup d’illusions sur la réalité de la situation et je renonce même à prétendre aider les autres ; je prendrai pour principe d’ »aider Dieu » autant que possible et s’y réussis, eh bien je serai là pour les autres aussi.” (p.170)

puis

Je vais t’aider mon Dieu, à ne pas t’éteindre en moi, mais je ne puis rien garantir d’avance. Uen chose cependant m’apparaît de plus en plus claire : ce n’est pas toi qui peux nous aider, mais nous qui pouvons t’aider – et ce faisant nous nous aidons nous-mêmes. C’est tout ce qui est possible de sauver en cette époque et c’est aussi la seule chose qui compte : un peu de toi en nous, mon Dieu. Peut-être pourrons-nous aussi contribuer à te mettre au jour dans les coeurs martyrisés des autres. (…) Il m’apparaît de plus en plus clairement à chaque pulsation de mon coeur que tu ne peux pas nous aider, mais que c’est à nous de t’aider et de défendre jusqu’au bout la demeure qui t’abrite en nous. Il y a des gens – le croirait-on ? – qui au dernier moment tâchent à mettre en lieu sûr des aspirateurs, des fourchettes et des cuillers en argent, au lieu de te protéger toi, mon Dieu. (…) Ils oublient qu’on n’est jamais sous les griffes de personne tant qu’on est dans tes bras. Cette conversation avec toi, mon Dieu, commence à me redonner un peu de calme. J’en aurai beaucoup d’autres avec toi dans un avenir proche, t’empêchant ainsi de me fuir. Tu connaîtras sans doute aussi des moments de disette avec moi, mon Dieu, où ma confiance ne te nourrira plus aussi richement, mais crois-moi, je continuerai à oeuvrer pour toi, je te resterai fidèle et ne te chasserai pas de mon enclos.” (pp.175-176)

24. Dans les bras de Dieu

Je ne me sens pas sous leurs griffes. Que je reste ici ou que je sois déportée. (…) Je ne me sens plus sous les griffes de personne, je me sens seulement dans les bras de Dieu – pour le dire avec peu d’emphase. Ici et maintenant (…), je crois que je me sentirai toujours dans les bras de Dieu. On pourra peut-être me briser physiquement, mais c’est tout. Et je serai peut-être en proie au désespoir, je devrai peut-être endurer des privations que je n’eusse pas imaginées même dans mes rêves les plus vains, mais tout cela est peu de chose au prix de mon immense confiance en Dieu et mes capacités de vie intérieure. Il se peut que je sous estime ce qui m’attend.” (p.173)

25. de la prière

Sans doute un petit morceau de ciel restera toujours visible et j’aurai toujours en moi un espace intérieur assez vaste pour joindre les mains en prière.” (p.179)

26. Pensée positive

Ne pas remâcher ses angoisses, mais penser clairement, calmement. Au moment décisif, je saurai bien quoi faire.” (p.190)

27. Beauté, grandeur et gratitude

Tant de beauté et tant d’épreuves. Et toujours, dès que je me montrais prête à les affronter, les épreuves se sont changées en beauté. Et la beauté, la grandeur, se révélaient parfois plus dures à porter que la souffrance, tant elles me subjuguaient. Qu’un simple coeur humain puisse éprouver tant de choses, mon Dieu, tant souffrir et tant aimer ! Je te suis reconnaissante, mon Dieu, d’avoir choisi mon coeur, en cette époque, pour lui faire subir tout ce qu’il a subi.” (pp. 199-200)

28. Dieu est en tous

Si j’aime les êtres avec tant d’ardeur, c’est qu’en chacun d’eux, j’aime une parcelle de toi, mon Dieu. Je te cherche partout dans les hommes et je trouve souvent une part de toi.” (p.200)

29. des épreuves

“J’ai appris qu’en supportant toutes les épreuves on peut les tourner en bien.” (p.201)

30. du Christ

Je fais des rêves bien étranges, j’ai rêvé que le Christ me baptisait.” (p.203, propos du compagnon d’Etty Hillesum avant de mourir)

31. “Ma vie n’est qu’une perpétuelle écoute “au-dedans” de moi-même, des autres, de Dieu.” (p.208)

32. lire dans le coeur des autres

Je te remercie de m’avoir donné le don de lire dans le coeur des autres. Les gens sont parfois pour moi des maisons aux portes ouvertes. J’entre, j’erre à travers des couloirs, des pièces : dans chaque maison l’aménagement est un peu différent, pourtant elles sont toutes semblables et l’on devrait pouvoir faire de chacune d’elles un sanctuaire pour toi, mon Dieu. Et je te le promets, je te le promets, mon Dieu, je te chercherai un logement et un toit dans le plus grand nombre de maisons possible.” (p.208)

et aussi

Bien des gens sont encore pour moi de véritables hiéroglyphes, mais tout doucement j’apprends à les déchiffrer. Je ne connais rien de plus beau que de lire la vie en déchiffrant les êtres.” (p.210)

33. être chez soi

Jopie était assis sur la lande, sous le grand ciel étoilé, et nous parlions de nostalgie : “Je n’ai aucune nostalgie”, dit-il, “puisque je suis chez moi.” Pour moi, ce fut une révélation. On est chez soi. Partout où s’étend le ciel on est chez soi. En tout lieu sur cette terre on est chez soi, lorsqu’on porte tout en soi.” (p.212)

34. avenir inconnu

C’est donc avec cette unique chemise dans mon sac à dos que je vais au devant d’un “avenir inconnu”. Mais sous mes pas, dans mes pérégrinations, c’est pourtant partout la même terre, et au-dessus de ma tête ravie partout le même ciel avec tantôt le soleil, tantôt la lune et toutes les étoiles. Alors, pourquoi parler d’avenir inconnu ?” (p.216)

35. du christianisme

Et Klaas, le vieux partisan, le vétéran de la lutte des classes, dit, entre l’étonnement et la consternation : “Mais… mais ce serait un retour au christianisme !” Et moi, amusée de tant d’embarras, je repris sans m’émouvoir : “Mais oui, le christianisme, pourquoi pas ?” (p.218)

36. d’autres réalités ?

Mais n’existe-t’il pas d’autres réalités que celle qui s’offre à nous dans le journal et dans les conversations irréfléchies et exaltées de gens affolés ? Il y a aussi la réalité de ce petit cyclamen rose indien et celle aussi du vaste horizon que l’on finit toujours par découvrir au-delà des tumultes et du chaos de l’époque.” (p.221)

37. joie de vivre, amour et force

Comment peut-on brûler d’un tel feu, jeter autant d’étincelles ? Tous les mots, toutes les phrases jamais utilisés par moi dans le passé me semblent en ce moment grisâtres, pâlis et ternes au prix de cette intense joie de vivre, de cet amour et de cette force qui jaillissent de moi comme des flammes.” (pp. 224-225)

38. force de la vie spirituelle

“Quand, au terme d’une évolution longue et pénible, poursuivie de jour en jour, on est parvenu à rejoindre en soi-même ces sources originelles que j’ai choisi d’appeler Dieu, et que l’on s’efforce désormais de laisser livre de tout obstacle ce chemin qui mène à Dieu (et cela, on l’obtient par un travail intérieur sur soi-même), alors on se retrempe constamment à cette source et l’on n’a plus à redouter de dépenser trop de forces.” (p.226)

ou

Ah ! tu sais, quand on n’a pas en soi une force énorme, pour qui le monde extérieur n’est qu’une série d’incidents pittoresques incapables de rivaliser avec la grande splendeur (je ne trouve pas d’autre mot) qui est notre inépuisable trésor intérieur – alors on a tout lieu de sombrer, ici, dans le désespoir.” (p.312)

38. de son compagnon (psychologue), mort trop tôt ?

On dit que tu es mort trop tôt. Eh bien, cela nous prive d’un traité de psychologie, mais il y aura eu un petit peu plus d’amour dans le monde.” (p.226)

40. ne vous inquiétez pas du lendemain

Encore une fois, je note pour mon propre usage : Matthieu, 6, 34 : “Ne vous inquiétez donc pas du lendemain, car le lendemain aura soin de lui-même. À chaque jour suffit sa peine.

Il faut les éliminer comme des puces, les mille petits soucis que nous inspirent les jours à venir et qui rongent nos meilleures forces créatrices. On prend mentalement toute une série de mesures pour les jours suivants, et rien, mais rien du tout, n’arrive comme prévu. À chaque jour suffit sa peine. Il faut faire ce que l’on a à faire, et pour le reste, se garder de se laisser contaminer par les milles petites angoisses qui sont autant de motions de défiance vis-à-vis de Dieu. (…) Notre unique obligation morale, c’est de défricher en nous-mêmes de vastes clairières de paix et de les étendre de proche en proche, jusqu’à ce que cette paix irradie vers les autres. Et plus il y aura de paix dans les êtres, plus il y en aura aussi dans ce monde en ébullition.” (p.227)

41. travailler sa vie intérieure

Ne pourrait-on pas apprendre aux gens qu’il est possible de “travailler” à sa vie intérieure, à la reconquête de la paix en soi. De continuer à avoir une vie intérieure productive et confiante, par-dessus la tête – si j’ose dire – des angoisses et des rumeurs qui vous assaillent. Ne pourrait-on leur apprendre que l’on peut se contraindre à s’agenouiller dans le coin le plus reculé et le plus paisible de son moi profond et persister jusqu’à sentir au-dessus du soi le ciel s’éclaircir – rien de plus, mais rien de moins.” (p.228)

42. Rester fidèle, être présent

Rester fidèle à tout ce que l’on a entrepris dans un moment d’enthousiasme spontané, trop spontané peut-être.

Rester fidèle à toute pensée, à tout sentiment qui a commencé à germer.

Rester fidèle, au sens le plus universel du mot, fidèle à soi-même, fidèle à Dieu, fidèle à ce que l’on considère comme ses meilleurs moments.

Et, là où l’on est, être présent à cent pour cent. Mon “faire” consitera à “être”.” (p.228)

43. développer ses talents

Il est un point où ma fidélité doit se fortifier, où j’ai failli plus qu’ailleurs à mes devoirs : c’est celui de ce qu’il me faut bien appeler mon talent créateur, si mince soit-il. (…) Je sens croître en moi le sentiment de mes obligations vis-à-vis de ce qu’il faut bien appeler mes talents. (…) Il me semble discerner avec une netteté croissante les abîmes béants où s’évanouissent les forces créatrices d’un être et sa joie de vivre. Ce sont des failles qui s’ouvrent dans notre psychisme et qui engloutissent tout. À chaque jour suffit sa peine. (…) Quelque part au fond de moi s’ouvre un atelier où des Titans reforgent le monde. (…) Je sais comment libérer peu à peu mes forces créatrices des contingences matérielles, de la représentation de la faim, du froid et des périls. Car le grand obstacle, c’est toujours la représentation et non la réalité”… (pp. 229, 230)

44. porter sa souffrance

… la réalité, on la prend en charge avec toute la souffrance, toutes les difficultés qui s’y attachent – on la prend en charge, on la hisse sur ses épaules et c’est en la portant que l’on accroît son endurance. Mais la représentation de la souffrance – qui n’est pas la souffrance, car celle-ci est féconde et peut vous rendre la vie précieuse – il faut la briser.

45. écouter sa voix intérieure

Si chacun de nous écoutait seulement un peu plus sa voix intérieure, s’il essayait seulement d’en faire retentir une en soi-même – alors il y aurait beaucoup moins de chaos dans le monde.” (p.233)

46. compassion

Rien ne m’était étranger, aucune manifestation de la souffrance humaine. Tout me semblait familier, j’avais l’impression de tout connaître d’avance et d’avoir déjà vécu cela une fois dans le passé. (…) Je ne ressentais aucune amertume devant les souffrances qu’on leur infligeait, seulement de l’amour pour eux, pour leur façon de les endurer, si peu préparés qu’ils fussent à endurer quoi que ce soit.” (p.240)

47. compassion, suite

Les plus larges fleuves s’engouffrent en moi, les plus hautes montagnes se dressent en moi. Derrière les broussailles entremêlées de mes angoisses et de mes désarrois s’étendent les vastes plaines, le plat pays de ma paix et de mon bienheureux abandon. Je porte en moi tous les paysages. J’ai tout l’espace voulu. Je porte en moi la terre et je porte le ciel. Et que l’enfer soit une invention des hommes m’apparaît comme une évidence totale. Je ne vivrai plus jamais mon enfer personnel (je l’ai vécu suffisamment autrefois, j’ai pris de l’avance pour toute une vie), mais je puis vivre très intensément l’enfer des autres.” (p.241)

48. eucharistie

Lorsque je souffre pour les faibles, n’est-ce pas souffrir en fait pour la faiblesse que je sens en moi ?

J’ai rompu mon corps comme le pain et l’ai partagé entre les hommes. Et pourquoi pas ? Car ils étaient affamés et sortaient de longues privations.” (p.245)

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Lettres de Westerbork

49. mélancolie

En quelques heures, on pourrait faire provision de mélancolie pour toute une vie.” (p.276)

50. la vie est bonne

Par essence, la vie est bonne, et si elle prend parfois de si mauvais chemins, ce n’est pas la faute de Dieu, mais la nôtre.” (p.282)

51. la vie bouleversée

Un ciel si bas et lourd pèse sur vous, votre sentiment de la vie est bouleversé et vous avez soudain un coeur tout gris, vieux de mille ans.” (p.286)

52. du vol des mouettes, des lois éternelles et des pensées libres

je vais de temps à autre rendre visite aux mouettes, dont les évolutions dans les grands ciels nuageux suggèrent l’existence de lois, de lois éternelles d’un ordre différent de celles que nous produisons nous autres hommes.” (p.296)

ou

Dans le lointain, je vois de ma couchette les mouettes évoluer dans un ciel uniformément gris. Elles sont comme autant de pensées libres dans un vaste esprit.” (p.307)

53. la détresse

la détresse, ici, a si largement dépassé les bornes de la réalité courante qu’elle en devient irréelle.” (p.296)

54. Destin

Les vrais, les grands soucis ont totalement cessé d’en être – ils sont devenus un Destin auquel on est désormais soudé.” (p.302)

55. Gratitude

Ma vie s’est muée en un dialogue ininterrompu avec Toi, mon Dieu, un long dialogue. Quand je viens dans un coin du champ, les pieds plantés dans la terre, les yeux levés vers ton ciel, j’ai parfois le visage inondé de larmes – unique exutoire de mon émotion intérieure et de ma gratitude. Le soir, lorsque je suis couchée dans mon lit je me recueille en Toi, mon Dieu, des larmes de gratitude m’inondent parfois le visage, et c’est ma prière.

(…) Je ne luitte pas avec Toi, mon Dieu, ma vie n’est qu’un long dialogue avec Toi. Il se peut que je ne devienne jamais la grande artiste que je voudrais être, car je suis trop bien abritée en Toi, mon Dieu. Je voudrais parfois tracer à la pointe sèche de petits aphorismes et de petites histoires vibrantes d’émotion, mais le premier mot qui me vient à l’esprit, toujours le même, ce’est : Dieu, et il contient tout et rend tout le reste inutile. Et toute mon énergie créatrice se convertit en dialogues intérieurs avec Toi (…) j’ai l’impression que ma richesse intérieure s’accroît sans cesse.” (p.317)

56. Doutes

Le Bon Dieu comprendra peut-être mes doutes, dans un monde comme celui-ci ?” (p.329)

Collection Points, Éditions du Seuil, 1985

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« Au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable »

de Romain Gary

note du 18 août 2016

Screen Shot 2016-08-18 at 12.40.39Roman difficile, parfois pénible lorsqu’il faut suivre le personnage principal – qui ressemble tant à l’auteur – tourmenté par le déclin de l’âge et la virilité défaillante. Mais les pages sont souvent sublimes, cette exaltation de l’amour entre un homme et une femme qui sont le sommet que toute vie devrait toujours atteindre.

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« Clair de femme »

de Romain Gary

note du 7 août 2016

Screen Shot 2016-08-07 at 15.55.00Probablement, l’amour humain élevé à l’absolu, celui du couple où l’homme adore, où les yeux des femmes prient, probablement cet amour n’est pas à notre portée. Pas toujours, pas toute la vie, pas celle-ci en tout cas. Je ne sais pas, je ne sais pas si Romain Gary le savait non plus et ce magnifique Clair de Femme ne me l’apprend pas.

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« Réparer les vivants »

de Maylis de Kerangal

note du 10 novembre 2015

Screen Shot 2015-11-10 at 18.23.48Je n’ai jamais lu de tel livre. En réalité – et c’est ce qui j’ai compris après en avoir tourné les premières pages, puis toutes les autres, de plus en plus vite, jusqu’à la fin – en réalité, j’ai très vite compris que je ne lisais pas : je vivais chaque scène, je comprenais et j’aimais chacun des nombreux personnages qui apparaissent. Mon coeur se serrait, mes yeux pleuraient, ma poitrine se soulevait, je voyais, je sentais, j’entendais plus que je ne lisais.

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Éloge des femmes mûres

de Stephen Vizinczey

note du 18 octobre 2015

Screen Shot 2015-10-07 at 23.21.26Il y a de l’humour et de la légèreté chez Stephen Vizinczey. Mais que le lecteur ne se trompe pas : ils traduisent autant de pudeur que de profondeur. Il y a aussi de l’érotisme, souvent subtil et délicieux qui, s’il fallait l’excuser pour les lecteurs les plus prudes, n’est jamais exempt de poésie et, mieux encore, de la sincérité du personnage principal. Qu’on ne se trompe pas, c’est bien l’amour absolu qui est recherché ici. Celui qu’on voudrait trouver à chaque nouvelle page, en chaque nouvelle femme rencontrée.

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Quatre saisons à Londres,

par Marie-Françoise de Cacqueray.

Note de lecture du 13 octobre 2015

Screen Shot 2015-10-13 at 18.58.28Est-ce parce que Londres, ville natale de mon père, a une place si importante dans mon coeur ? La lecture de “Quatre saisons à Londres” m’a donné le grand plaisir de plonger dans cette ville que j’avais découverte avec lui dans mon enfance. J’ai retrouvé l’atmosphère post-victorienne, le charme chic et vieillot qui rêgnait encore au cours des seventies, avant le boom formidable qui en a fait depuis une des métropoles les plus vivantes et modernes d’Europe.

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La victoire en soi, de Françoise Bitton

note du lundi 31 août 2015

Layout 1J’ai eu le plaisir de rencontrer Françoise Bitton récemment. Je viens de lire son histoire : “La Victoire en soi”: un témoignage poignant, le sien, celui d’une femme qui a vécu une grave maladie.

Françoise Bitton a subi, affronté, accepté et surmonté un cancer. Son récit est une formidable leçon de vie, d’une dimension humaine et spirituelle d’une profondeur que j’ai rarement rencontrée. C’est pourquoi je le crois destiné à un grand public : aux malades, aux convalescents, bien-sûr. Mais aussi et surtout à tous, les bien et moins bien portants, les jeunes, les moins jeunes.

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“Mémoires d’une jeune fille rangée”

de Simone de Beauvoir 

note du 21 août 2015

Screen Shot 2015-08-20 at 10.01.28Il était à la fois agréable et troublant de suivre les pages des “Mémoires” et de poursuivre l’enfance et la jeunesse de Simone de Beauvoir, parce qu’elles se déroulent en des lieux que je fréquente au quotidien : le boulevard Raspail, la rue de Rennes, Saint Germain des Prés, la Sorbonne. Surtout, le jardin du Luxembourg qui bat comme un coeur inondant toutes les artères qui en partent ou y reviennent de cette énergie harmonieuse et profonde qui, comme Beauvoir, me nourrit tous les jours.

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La Confusion des Sentiments

Stefan Zweig

note du 9 août 2015

Screen Shot 2015-08-09 at 12.56.09Je continue mes détours hors littérature française contemporaine, plus longuement que d’habitude. Ce retour vers Zweig était précieux, à plus d’un titre.

J’aime profondément cette maîtrise de l’écriture et des émotions, cette description si fine des traits et des psychologies humaines, et encore plus le déroulement de ses récits qui coulent souvent comme des rivières calmes où l’on sent pourtant qu’ils cachent des mystères et les torrents plus sauvages des grandes passions humaines qu’ils finissent toujours par révéler.

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Sexus

d’Henry Miller

note du 25 juillet 2015

Screen Shot 2015-07-19 at 22.05.26Avez-vous lu SEXUS d’HENRY MILLER ?

Franchement, ça m’étonnerait. Avec un titre pareil, il y a déjà une bonne moitié de l’humanité – les prudents prudes – qui se fait porter pâle. Vous comprenez, ça ne fait pas correct-correct. On imagine le pire du pire et plus encore en dépravations et obscénités. Il y a l’autre moitié des humains qui, de toute façon, ne lit pas, surtout des pavés comme celui-là. D’ailleurs, ces deux moitiés se confondent parfois, ce qui me donne droit à encore une moitié. Ceux qui pourraient le lire, ou qui l’ont vraiment lu. Mais franchement, soyons d’accord, ce sera une toute petite moitié. Mais je sais que l’écrivain a ses adeptes. Dont moi.

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Prières exaucées

de Truman Capote

Note du 15 juillet 2015

Screen Shot 2015-07-15 at 20.37.20Ce livre a des relents de pissotière… et j’ai l’impression que le bonhomme qui raconte des fragments importants de sa vie n’était pas si intéressant que cela… Certes, il est curieux de plonger dans ce que l’on sait sans le savoir, les turpitudes et les vices de nos chères élites. Mais ce n’est pas ce qui compte ici. Tout simplement, Truman Capote est d’un talent immense, sa plume et son style peuvent tout se permettre, les méchancetés, les saletés, les potins et le reste, cela ne compte pas quand on on peut toucher les étoiles comme il le fait…

Je suis très jaloux…

 

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Le Joueur d’échecs

de Stefan Zweig

Note du 11 juillet 2015

Screen Shot 2015-07-11 at 22.18.06Stefan Zweig est un grand maître qui sait mieux que quiconque décrire le processus de l’esprit humain. Ici, l’histoire d’un homme qui trouve dans le jeu des échecs la seule manière de résister contre la folie qui le guette alors qu’il est enfermé par les nazis et livré à des tortures particulièrement subtiles. Mais c’est aussi ce jeu qui va le perdre et le soumettre à une autre folie. Celle du dédoublement fascinant de son propre cerveau qui créé les deux opposants d’un jeu imaginaire : le blanc d’un côté, le noir de l’autre. L’ennemi n’est plus extérieur, il est devenu intérieur, d’une présence intolérable.

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Trois jours vers une nuit, tout autre

Louis de Sagazan

note du 5 juillet 2015

Screen Shot 2015-07-05 at 15.47.14C’est un univers très singulier, une lecture unique d’un auteur que je connais assez bien et pour lequel il me manquera forcément un peu de recul. Déjà, j’avais lu ce récit il y a quelques années. Il portait un autre nom, mais le texte suivait le même déroulement.

L’écriture de Louis de Sagazan est très originale. Je me suis plusieurs fois surpris de penser, en relisant “Trois jours vers une nuit, tout autre”, que ce récit se prêtait aussi à une pièce de théâtre. Le surréalisme y est fort et omniprésent. Dans les sentiments des personnages, dans leurs dialogues comme leurs réactions souvent si décalées face aux évènements qu’ils affrontent, je me rappelais des lectures de Beckett ou de Ionesco.

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La Mort à Venise

Thomas Mann

note du 14 juin 2015

Screen Shot 2015-06-14 at 20.15.36« La Beauté, la beauté seule est divine et visible à la fois »

Tout est beauté dans “La Mort à Venise”, une beauté toujours silencieuse, mélancolique et sans joie, qui décline vers la mort comme les rayons du soleil au somptueux crépuscule du Lido. Cette beauté met en lumière deux vérités selon moi, celles que je me tenterais humblement de rappeler ici. Elles sont Intimement liées parce qu’elles sont indissociables : Thomas Mann nous offre sa vision sur l’artiste, et sur la beauté.

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La clef

(La confession impudique)

de Junichiro Tanizaki

note du 26 mai 2015

Screen Shot 2015-05-26 at 11.06.42Le mari, l’épouse, l’amant, la fille. On pourrait croire à une histoire classique si souvent visitée par la littérature et le théâtre.

Pourtant la complexité des relations entre les quatre personnages de ce huis-clos donne au roman une densité troublante. Particulièrement lorsque le lecteur suit les méandres des désirs, des calculs, mais aussi des doutes et des réflexions de chacun, à s’y perdre lui-même.

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Siddharta,

Hermann Hesse

note du 22 mai 2015

Screen Shot 2015-05-22 at 12.51.53Il ne faut rien regretter. Les hommes de bonnes intentions n’ont pas à regretter les choix de leur vie, les erreurs inévitables, les bonheurs disparus. Le temps perdu n’existe pas non plus : toutes les expériences vécues étaient nécessaires pour celui qui accepte la vie, lâche prise et fait confiance. C’est la grande leçon d’optimisme que je retire de la lecture de ce roman philosophique d’Hermann Hesse.

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