le Dieu Impatient

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« Écrire ! Verser avec rage toute la sincérité de soi sur le papier tentateur, si vite, si vite parfois que la main lutte et renâcle, surmenée par le dieu impatient qui la guide… »
Colette, La Vagabonde

 

05 Nov De l’autre côté

Je m’endormais. J’étais surpris par la volupté du lit qui, peu à peu, enfouissait mon corps dans un confort chaud et généreux. Ma tête, mes épaules et ma poitrine étaient heureuses d’être aussi lourdes, et j’avais la sensation de ne cesser de creuser l’épaisseur de l’oreiller et des draps qui m’avaient accueilli et qui révélaient des abîmes de douceur que je ne soupçonnais pas. Je continuais de plonger dans le silence des préparatifs du rêve qui plantait la scène et esquissait les images : Les premières, celles qui me venaient, j’avais appris à les reconnaître, parce que leur fixité, leur répétition...

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23 Oct Le sac aux vingt pensées

C’était un peu comme si j'étais un oiseau. En apesanteur, je bougeais peu. J’avais le sentiment d’être suspendu en l’air, mais aucun fil ne me rattachait au ciel. La différence, c’est que je ne volais pas. Je n’avançais ni ne reculais. Je flottais dans le vide, il y avait des courants froids qui glaçaient mes cotes et givraient mes ailes de leur souffle noir. J’allais me précipiter dans l’oubli de l’abîme qui s’ouvrait au dessous de moi, je le savais. J’étais paralysé. J’ignore ce que je ressentais de plus fort à ce moment : la terreur ou l’absence, ou les deux en même...

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18 Oct Éloge des femmes mûres

Il y a de l’humour et de la légèreté chez Stephen Vizinczey. Mais que le lecteur ne se trompe pas : ils traduisent autant de pudeur que de profondeur. Il y a aussi de l’érotisme, souvent subtil et délicieux qui, s’il fallait l’excuser pour les lecteurs les plus prudes, n’est jamais exempt de poésie et, mieux encore, de la sincérité du personnage principal. Qu’on ne se trompe pas, c’est bien l’amour absolu qui est recherché ici. Celui qu’on voudrait trouver à chaque nouvelle page, en chaque nouvelle femme rencontrée. En cela, l’auteur de “L’Éloge des femmes mûres” m’a fait penser à...

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15 Sep Quand l’artiste est bon ou mauvais

“ Vous vous estimez une très bonne comédienne ?  - Je suis selon le metteur en scène qui m’emploie une bonne ou une mauvaise comédienne. - C’est à dire que toute la responsabilité va au metteur en scène ? - C’est à dire je crois que je porte en moi tout ce qu’il faut pour être une bonne comédienne, mais si quelqu’un ne sait pas le faire sortir de moi-même, moi-même je ne peux pas le donner toute seule… - Il ne faut pas vous vexer, il ne faut pas vous forcer…? - …Non non non, ce n’est pas ça ! Il faut savoir m’expliquer, avec nuances, et...

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31 Août Le sein d’une autre

II faisait chaud… Je lisais, affalé dans un des canapés du salon, seul à mon habitude. J’avais ouvert les premiers boutons de ma chemise et, par une quelconque évasion vaporeuse et inconsciente, je titillais la chair douce et nerveuse de mon téton droit. La lecture devait me saisir à souhait, je ne m’en souviens pourtant plus. Ce qui me revient, c’est un trouble naissant, agréable et plaisant. Mon corps se torsionnait déjà et vrillait d’émotion… Bientôt, il me devenait tout autre...

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21 Août Avez-vous lu “Mémoires d’une jeune fille rangée” de Simone de Beauvoir ?

Il était à la fois agréable et troublant de suivre les pages des “Mémoires” et de poursuivre l’enfance et la jeunesse de Simone de Beauvoir, parce qu’elles se déroulent en des lieux que je fréquente au quotidien : le boulevard Raspail, la rue de Rennes, Saint Germain des Prés, la Sorbonne. Surtout, le jardin du Luxembourg qui bat comme un coeur inondant toutes les artères qui en partent ou y reviennent de cette énergie harmonieuse et profonde qui, comme Beauvoir, me nourrit tous les jours. Ces “Mémoires” racontent l’émancipation progressive d’une jeune fille de bonne famille qui soulève, les uns après...

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10 Août chez Gilles et Krysia

La journée est tombée. Peu à peu, le silence s’est abattu comme une toile sur nos mouvements qui, déjà ralentis dans la torpeur de l’après-midi d’été, semblent s’être figés ce soir pour nous préparer au sommeil. Telle l’eau de la piscine, qui vibrait quand nous l’agitions tout à l’heure au battements de nos corps et de nos nages joyeuses. Maintenant, c’est un miroir où le ciel, peu à peu, s’éteint. La surface est lisse et froide. Elle est muette comme une bouche qui se ferme avant de dire un mystère. Des rires entendus au loin n’y ont rien fait. Aucune onde n’est venue troubler le...

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09 Août Avez-vous lu “La Confusion des Sentiments” de Stefan Zweig ?

Je continue mes détours hors littérature française contemporaine, plus longuement que d’habitude. Ce retour vers Zweig était précieux, à plus d’un titre. J’aime profondément cette maîtrise de l’écriture et des émotions, cette description si fine des traits et des psychologies humaines, et encore plus le déroulement de ses récits qui coulent souvent comme des rivières calmes où l’on sent pourtant qu’ils cachent des mystères et les torrents plus sauvages des grandes passions humaines qu’ils finissent toujours par révéler. Je reconnais cette vie de l’esprit et cette attirance pour les mots qui m’appellent si fortement : “j’avais, en une heure de temps, renversé le...

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25 Juil Avez-vous lu Sexus d’Henry Miller ?

Franchement, ça m’étonnerais. Avec un titre pareil, il y a déjà une bonne moitié de l’humanité – les prudents prudes – qui se fait porter pâle. Vous comprenez, ça ne fait pas correct-correct. On imagine le pire du pire et plus encore en dépravations et obscénités. Il y a l’autre moitié des humains qui, de toute façon, ne lit pas, surtout des pavés comme celui-là. D’ailleurs, ces deux moitiés se confondent parfois, ce qui me donne droit à encore une moitié. Ceux qui pourraient le lire, ou qui l’ont vraiment lu. Mais franchement, soyons d’accord, ce sera une toute petite moitié. Mais...

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