30 Oct La Cure de Jouvence
“Le premier salopard à qui je vois les joues qui tombent, les paupières, les cheveux, le ventre ou les fesses qui regardent trop par terre, bref tout signe de dégringolade...
« Écrire ! Verser avec rage toute la sincérité de soi sur le papier tentateur, si vite, si vite parfois que la main lutte et renâcle, surmenée par le dieu impatient qui la guide… »
Colette, La Vagabonde
“Le premier salopard à qui je vois les joues qui tombent, les paupières, les cheveux, le ventre ou les fesses qui regardent trop par terre, bref tout signe de dégringolade...
Déjà, l’autre jour, je parlais de ciels pâles et vides. Je ne le savais pas… on n’avait encore rien vu. Avec leurs changements horaires, ils nous ont tiré la couverture de la nuit jusqu’aux genoux maintenant ! Presque plus le temps de se détendre, une fois la journée finie, et d’aller marcher au Luxembourg. On ferme ! Et tous les jours et de plus en plus tôt, le froid et le noir qui collent aux fenêtres. Tellement qu’il n’est presque plus possible de les ouvrir. Alors on se fait d’autres ciels. Attention à la tentation des éthers humains et des volutes...
Soyons clairs : je me sens assez proche de vous, suffisamment pour vous comprendre. Vous voyez, j’étais comme vous. Il a dû en rester quelque chose d’ailleurs. Je ne serai jamais, au regard du bon goût, du raffinement et de la vraie distinction, qu’un converti qui sentira toujours un peu le frais. Alors, quelle différence entre nous ? C’est toujours pareiil : “Cherchez la femme”. J’ai eu la chance, ou le bon nez de rencontrer quelques femmes qui ont compté dans ma vie. Et c’est à elles que je dois mon éducation. Et je pense plus particulièrement à l’une d’entre elles...
Ça y est, l’hiver s’installe. Déjà, depuis quelques jours, ce ciel opaque et gris qui nous recouvre sous sa cloche. Ciel vide, qui voudrait nous engourdir dans un sommeil éthérique et dangereux… Et ces vagues de pluies qui plaquent les feuilles mortes au sol, et qui voudraient nous balayer aussi dans l’eau froide de l’oubli. Est-ce la vengeance de la nature ? J’écoute les musiques dans ma tête et je crois plus que jamais à la beauté. Rien ne sert de résister aux éléments, inéluctables et cycliques. Mais je ne me laisserais pas faire, et je sens monter en moi la douce poussée...
C’est un moment de solitude… Comme nous en avons tous. Vous savez bien. Cela vous arrive chaque jour, et vous en prenez conscience presque à chaque fois. Seule, avec vous-même. Quelques instants de vide glacial, où vous prend la tentation de réfléchir à tout ça et de regarder en face, une bonne fois pour toutes… La vie, la vôtre… Et ce fichu temps qui défile et défait peu à peu le château de sable de vos certitudes, de vos rêves, de votre beauté, de vos illusions peut-être. Cela peut être en face du miroir, le matin. Vous vous rappelez ce qu’on vous...
Dire la légèreté avec profondeur, la profondeur avec légèreté… Je médite quelques secondes cette maxime bien sonnée. Et je laisse aller, je lâche prise. C’est vrai que je suis en train de me mettre à la vodka, ce qui est nouveau. Pourtant, habité des siècles en Pologne, et c’est maintenant que cela me prend. Il faut bien vivre. Attention, contrôlé, tout doux tout doux ! Je ne vais pas m’improviser alcoolique. C’est juste pour sentir le décollage, vous saisissez ? C’est le meilleur moment. Enfin, on se comprend. Lui, avec ses morceaux en forme de poire, il avait tout dit. Années folles, petit bonhomme...
"C’est nous les vieux de service, ceux qui répondent toujours aux journalistes, vous savez… quand il y a eu une catastrophe naturelle, genre inondation ou incendie, canicule ou froid polaire… nous avons été recrutés pour ça : moi, j’ai le flair il paraît, l’instinct ! je sens les micros, ils m’attirent." "Alors, dès que quelque chose se produit, nous avons été bien formés, nous sortons et nous les repérons, les voitures ou les motos de presse. Un petit tour innocent, l'indignation, la colère ou la tristesse, ou alors l’air de s’ennuyer ou de passer par là, ça marche à tous les...
Mon regard ne peut quitter cette mince veine de terre. Elle est finement dénudée dans la pelouse qui, en bordure du chemin, a été tranchée sur des lignes droites, courtes et précises pour dégager un carré d’air libre qui s’envole vers le ciel, en révélant une pomme d’arrosage qui surgit hors du sol. Sa robe marron se déploie sur quelques centimètres de largeur, limitée par la crète de l’herbe tendre et verte qui ressemble un peu à une décoration légère qui lui aurait été ajoutée pour un peu plus de gaité, et pour mieux attirer les rayons du soleil. C’est d’abord la couleur...
C’est son visage impassible, au delà de la tristesse, dont je me souviens encore. Le jeune homme était assis au bord du rocher, ses jambes pendaient déjà dans le vide. Il ne bougeait pas, l’absence de mouvement comme d’une quelconque expression sur son visage me glaça. Comme s’il n’attendait plus rien, et que la vie l’avait déjà abandonné. Je vis un crocodile qui arpentait le même rocher. Il marchait à la verticale comme un homme, fixait l’horizon tranquillement et sa longue silhouette grotesque se promenait sans alerter les autres passants. Pétrifié, l’homme solitaire était perdu dans des pensées vides. Le crocodile vint...
Une détonation si forte qu'elle m'avait relevé de ma chaise et poussé instinctivement jusqu'au balcon pour aller voir. En face de moi, de l'autre côté de la rue, je vis les visages des passants tournés vers la gauche, et qui m'indiquaient la provenance de ce qui venait d'arriver. Un grand silence suivi, ponctué par le battement des ailes de nuées d'oiseaux qui s'échappaient. À la même seconde, je ne pus m'empêcher de penser inconsciemment aux menaces directes proférées par les terroristes le matin même contre les citoyens français et que relayaient en boucle radios et sites d'informations. J'étais à peine sur le...