Le mauvais goût

26 Oct Le mauvais goût

Soyons clairs : je me sens assez proche de vous, suffisamment pour vous comprendre. Vous voyez, j’étais comme vous. Il a dû en rester quelque chose d’ailleurs. Je ne serai jamais, au regard du bon goût, du raffinement et de la vraie distinction, qu’un converti qui sentira toujours un peu le frais.

Alors, quelle différence entre nous ? C’est toujours pareiil : “Cherchez la femme”. J’ai eu la chance, ou le bon nez de rencontrer quelques femmes qui ont compté dans ma vie. Et c’est à elles que je dois mon éducation. Et je pense plus particulièrement à l’une d’entre elles qui pourrait, si par très grand hasard elle daignait lire mes lignes, se reconnaître.

Oui, j’ai été élevé. J’avais certes quelques prédispositions innées. Le beau m’a toujours attiré, sans que je sache vraiment ce qu’il était, et je pouvais alors tout confondre et, dès que mes sens étaient émoustillés, tout trouver beau. Je crois, à ma décharge, que j’ai toujours éprouvé de l’émotion dès que je ressentais, plus que je ne le comprenais, tout effort de sincérité, de profondeur, de générosité ou d’originalité. C’était un peu confus dans mon enfance, je n’avais pas encore choisi ma voie : explorateur, prêtre, médecin, artiste. Bien des années plus tard, je crois que j’en suis presque toujours au même point…

Quand même, la musique, la lecture et la compagnie des femmes, à commencer par celle de ma mère, voilà ce que je préférais. Sans jamais rien oser, par peur de ne jamais être à la hauteur, surtout de l’écriture et des femmes.

Mais je m’égare, je m’éloigne de mon propos sur le bon goût.

J’ai donc été éduqué, écrivais-je. Pas tant par ma mère, qui m’a quand-même, dirons-nous, mis sur la piste. Elle adorait la musique et la littérature. Et je l’adorais, elle qui m’a tant donné le goût d’adorer les femmes. Car pour le reste et malgré de réelles fulgurances, elle mélangeait beaucoup et cultivait certaines lourdeurs. Pourquoi ? Elle ne savait pas ? Ne voyait pas ? Ou n’accédait pas, tout simplement, à ceux qui l’auraient élevée bien volontiers ?

Et je ne comprends pas ceux qui, à défaut de n’être nés dans la beauté, ne trouvent pas le moyen de s’éduquer quand-même. À bien réflêchir, le bon goût me semble être l’un des trésors les moins partagés sur terre. Vous savez, ce raffinement des intérieurs, par exemple. Ou l’élégance. Ou encore les bonnes manières, dans les gestes, le langage comme à table…

Le royaume des femmes d’élite, le plus souvent, ou parfois d’hommes exquis. Tout ce qui traduit l’harmonie du coeur et des sens, la délicatesse d’âme de ceux qui ne peuvent vivre que le plus près de la beauté. Le culte de la finesse qui me feraient aimer tous les dandys s’ils ne cachaient trop souvent un culte d’eux-mêmes déplacé et stérile (Ce n’est pas le cas de tous les dandys, Oscar Wilde par exemple, mais je les connais peu et n’ait jamais pensé être dandy moi-même).

Alors, pour revenir à vous. Ce que je ne comprends pas avec vous, c’est que vous ne changiez pas. Que vous ne compreniez pas. Ou si peu, si lentement. Pourtant, vous rentrez dans de beaux intérieurs, vous voyez les élégants, vous allez aux expositions.  Alors ? Alors ?

Oui, je sais, on arrivera toujours à trouver quelque chose qui vous rattrappe. Mais pourquoi vous satisfaire de tant de médiocrités ? Nous sommes tous des humains, nous et vous. Pourquoi ne l’êtes-vous qu’à moitié ?

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