le Dieu Impatient

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« Écrire ! Verser avec rage toute la sincérité de soi sur le papier tentateur, si vite, si vite parfois que la main lutte et renâcle, surmenée par le dieu impatient qui la guide… »
Colette, La Vagabonde

 

14 Déc À la recherche du Tangram

- rien de tel que ce jeu, vous allez voir, pour l’intelligence de votre fils !" Les consultations chez le Docteur Delavault ne sont pas que des visites médicales. Il n’y a pas que les maux de ventre, les grippes tenaces ou l’une des petites maladies chroniques de l’un d’entre nous que Maman vient soigner chez ce grand bonhomme dégingandé devenu, depuis quelques années, le médecin de famille. - quel est le nom de ce jeu ?" demande Maman d’une voix déjà joyeuse. Sa poîtrine s’est gonflée, le bleu cristallin de ses yeux s’est remis à briller. Oui ! Elle n’en doutait pas....

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03 Déc Vieil homme

Il n’y a pas que l’absence de mots. Les gestes nous manquent aussi. Nous nous faisons face depuis quelques minutes qui ont duré des siècles. Je ne sais que lui dire, je n’ose aborder la moindre discussion au delà des questions les plus élémentaires sur sa santé, le rythme de ses journées : il serait trop faible pour entamer un dialogue au delà des rares sujets qui l’intéressent encore. Ainsi, de temps en temps, je le lance sur la guerre en Ukraine, la crise en Russie. Il énumère alors ses inquiétudes, sa volonté de “faire quelque chose” pour sensibiliser la jeunesse russe. Il...

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30 Nov L’ombre de Dorian Gray

Il se croit très beau. Presque aussi beau que Dorian Gray. C’est surtout lorsqu’il se regarde de son oeil intérieur. Lorsqu’il remonte les rues à la recherche des belles, au croisement des visages où il recherche l’échange, déjà, des sourires, des esquisses de rencontres, des premières promesses. Il marche et ralentit rarement son pas. Pas la peine de s’arrêter sur reflet vite évanoui, cette silhouette et ce visage que lui renvoient parfois les vitrines et les glaces indifférentes des ruelles éclairées et animées. Cela n’est pas ça. Ce serait un malentendu, se dit-il. Et il avance plus loin le pas, avide de ce...

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30 Nov Déchirer le voile

À l’instant, c’est la sirène lointaine d’un camion de pompier ou d’une ambulance. À d’autres moments, ce sont des parfums, ou les gestes simples de passants croisés dans la rue qui auront réveillé mon ennui ou ma distraction. Ce sont comme des appels vers d’autres temps, des émotions vécues que ma mémoire a conservées en gardant les sensations, les sons et les impressions du moment. Pourtant, je ne parviens pas à me souvenir. Et peu importe le degré d’effort, de concentration ou de silence que je m’impose : rien ne revient, ou presque. J’aurai beau revenir sur les mêmes lieux… Que des...

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19 Nov Assis à côté de toi

J’étais assis à côté de toi. Tu étais si jeune, c’est sans doute pour cela que je te tutoie. C’était à la conférence, l’autre jour. Toi que j’aurai aimé séduire… Et pour qui le courage m’a manqué. Certes, ce n’est pas qu’une question de courage. Il faudrait être un peu plus sûr de soi que je ne le suis, tu sais. Mais le sais-tu vraiment ? Que savez-vous de nous, jolies sylphides ? En réalité, je crois que vous en savez aussi peu que nous n’en savons, à notre tour, à votre sujet. Quelle étrangeté… Les animaux s’aiment à leur manière,...

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18 Nov Ok Google !

J’étais déjà inquiet, les premières années, nous n'étions pas encore habitués : Ces piétons pressés qui se parlaient tout seul. Il suffisait pourtant d’un coup d’oeil pour voir qu’ils n’avaient pas l’air d’être fous, ni clochards… Ils parlaient au téléphone qu’ils se collaient à l’oreille ou, mieux, au fil qui se perdait entre leurs cheveux ou leurs vêtements. Au moins, ils parlaient à quelqu’un, de l’autre côté du téléphone. Enfin, la plupart… car j’ai vu aussi des égarés simuler des conversations dans des lieux publics, tenant en main ce qui n’était même pas un vrai téléphone ou encore là où il n’y...

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18 Nov J’ai beaucoup souffert *

Nous partirons du principe que j’ai beaucoup souffert. Vous ne l’avez jamais compris. Je vais vous le faire comprendre. Vous en pleurerez. Vous allez voir. Il m’a fallu du temps avant de saisir l’étendue du problème… C’était à moi, et à moi seule, de me rendre justice. Sinon, cela n'aurait jamais été fait. J'ai fini par admettre que personne ne le ferait à ma place. Pour dire ce qui avait été. Dans la clarté, sans fard et sans mensonge. Enfin, je pourrais attendre un vrai regard sur moi. Le vôtre. Lorsque vous aurez pris connaissance de mon histoire, vous verrez bien que...

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17 Nov Les pots de fleurs

Fin d’une grande et longue journée de rencontres consacrées aux enjeux de la civilisation numérique dans l’une des plus belles capitales de l’Europe Centrale. Les experts se sont succédés, des pointures de la politique, des médias et du business venus de France ou du pays hôte de l’évènement. Le tout ponctué par le discours de clôture d’un récent Premier Ministre français. J’ai passé la journée à serrer mille mains, à manifester tant d’amour et de sincérité calculée, à jouer la comédie avec les acteurs économiques de là bas, expatriés français ou pas, que je connais si bien pour avoir été des...

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14 Nov Les clowns

Eux aussi ils se fendent le visage en deux pour montrer toutes leurs dents et tout leur amour… Je les vois, ils frétillent comme des gardons, remuent érotiquement les épaules pour mieux se faufiler et s’introduire dans l’un des glorieux apartés qui se tiennent dans le grand salon. Politiques, hommes d’affaires, diplomates, has-beens affairés, fonctionnaires, il y a de tout… Le mieux, c'est encore de faire semblant de les écouter et d'attendre la fin. Surtout, ils parlent pour ne rien dire. Encore, quand c'est réellement drôle, ça passe encore. Par exemple, Wojciech M., patron du plus grand groupe de médias du pays. Il...

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14 Nov J’ai rencontré Philippe Sollers

C’est au moment où je traversais la rue. Je laissais derrière moi les grilles du jardin du Luxembourg que j’avais trouvées fermées. Il n’était pourtant pas si tard, cela ne fait longtemps que je suis revenu habiter dans le quartier. J’avais oublié qu’ici, on ferme tôt, sous prétexte d’hiver et d’obscurité. Je relevais la tête. J’ai croisé votre regard. Vous me fixiez. Cela n’a duré qu’un quart de seconde, peut-être un peu plus. Il m’en a fallu un autre pour vous reconnaître. Je dépassais déjà la terrasse, vous regardiez ailleurs. Je me suis arrêté un peu plus haut, dans la rue Vavin....

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