Nager dans l’air

20 Mai Nager dans l’air

Un air tellement épais qu’il n’est pas étonnant qu’en tirant mes bras en brasses, comme dans l’eau, j’avance en plein air. Que c’est simple et beau ! Tout à l’heure, j’ai vu mes parents, ils m’attendaient dans leur solitude et leur attente et leur espoir.

L’ordre du salon était inversé, mais je ne m’inquiète pas car je sais que les rêves ont une logique qui nous échappe, heureusement.

Maman assise près de la cheminée, la télé éteinte pour une fois. Elle a sans doute compris que l’ennui, ce soir, était vaincu par autre chose.

Papa, occupé quelque part en cuisine ou en salle-à-manger, a la chance de se savoir s’employer à des tâches aussi quotidiennes et sacrées que l’ouverture d’une bouteille ou de l’emballage qui prive encore son dessert des dattes ou des figues qui scintillent sous le film de plastique.

En attendant, je pousse et je tire consciencieusement mes bras au devant de moi. Dans cet air granuleux qui me porte naturellement et comme de toujours.

Tiens, il y a un mur devant moi. Pas grave. Je vais jusqu’à lui. Je vais jusqu’à m’appuyer sur lui. Je vais rebondir sur lui. Comme dans une piscine. Et je repars dans l’autre sens. Je continue de nager en plein air, et de trouver cela tellement naturel.

Mes parents continuent sobrement de respecter leur ennui. Car ils savent déjà que l’attente d’un de leurs quatre aimés sera bientôt comblée. Comment ?

Comment ?

C’est un ange qui vient de le leur dire. Ça ne pouvait être qu’un ange pour intervenir dans des moments pareils, englués de banalité et de quotidienneté.

Et moi, je continue de nager dans l’air. Je les vois bien en dessous de moi. Je sais que bientôt, je vais ouvrir la porte d’entrée qui frotte toujours silencieusement sur le sol, et que je vais apparaître à leurs yeux immédiatement réjouis.

Mais je n’irai pas au bout de mon sommeil. Une lumière ou un bruit indélicat m’en empêchera. Mais je sais quand-même que là-bas, là où ils m’attendent, aura plu la joie.