Long couloir

23 Mar Long couloir

Le couloir est si long, on en distingue à peine le fond qui se perd dans la pénombre. Ce n’est que dans les derniers mètres que l’on voit une silhouette se détacher lentement. Une masse réflêchie, celle d’un homme assis sur une chaise qui semble aussi oubliée que lui, posée contre une porte où s’affiche un écriteau « sans issue ».

Il est recroquevillé sur lui. Sa tête penchée repose sur son poing. Le coude enfoncé sur le genou, son avant bras supporte le poids de son silence sans bouger. Dans cet espace froid et dépouillé au sol luisant de propreté, on dirait un naufragé en pleine mer, accroché à son radeau et ne sachant plus où aller.

Il pense à cet autre homme. L’autre, derrière la cloison, juste à côté. Étendu sur un lit de souffrance, luttant contre la maladie. La veille au soir, il a été prévenu de l’hospitalisation et de l’opération en urgence.  Sans réfléchir, il est venu, brisant d’un coup des années de distance et d’absence. Et il vient de voir cette copie de lui-même, le visage blanchi par la douleur. Il a ressenti dans son ventre des douleurs semblables.

L’autre l’a reconnu, ils ont pu échanger quelques mots avant qu’une nouvelle pique de souffrance ne nécessite l’appel d’une infirmière. A l’entrée de celle-ci dans la chambre, il a fallu qu’il sorte. Les jambes flageollantes, il s’est traîné jusqu’à cette chaise où il s’est écroulé comme une masse.

La chair parle et cogne. Les distances sont un temps anéanties entre ce frère et lui, celui qu’il préférait oublier et qui, en luttant contre la mort, réapparaît brusquement. Comme si tous les efforts, pour se distinguer et exister différemment, avaient été vains. C’est la vie, la même vie finalement, qui se bat et ne veut pas encore disparaître.

Paris

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