L’oiseau et la jeune femme

01 Fév L’oiseau et la jeune femme

Au large, au large encore, au large toujours ! Il étend ses ailes de toutes ses forces, comme s’il elles pouvaient s’arracher de son corps pour devenir ange ou nuage. Son vol l’étire de tout son long pour mieux fendre l’air et transpercer l’espace, comme s’il pouvait d’un coup chavirer l’univers, ou basculer dans un autre monde.  

Et puis, lorsque l’élan se meurt, lorsqu’il sent qu’il ralentit et que l’air frais épaissit et le freine, son corps se ramasse sur lui-même. Il se recroqueville un instant, parce que c’est à l’intérieur de lui, et seulement à cet endroit, qu’il trouve la force de se propulser encore.

Alors, il retrouve en ses poumons et dans son cœur cette merveilleuse énergie vitale, celle en laquelle il se ramasse tout entier et pendant un instant, pour y puiser la force nouvelle qui lui permet de continuer son vol et de transpercer le ciel. Cette force qu’il a en lui, il l’a depuis aussi longtemps qu’il est en vie. C’est une essence merveilleuse et vitale, angélique et douce, celle qu’il a bue du lait maternel, aimant, adorant.

Il perce les ciels, les vents et les nuages qui défilent innocemment dans leur blancheur légère. Car plus il va vite, plus l’air se réchauffe : Est-ce le frottement accéléré de ses ailes, ou l’échauffement de son corps brûlant de vie, ou l’accès aux limbes du paradis ?

Pourtant, il veille à ne pas monter trop haut. C’est un oiseau de la terre. Je dirais même plutôt qu’il est un oiseau de la terre… et de la mer. Car, aussi loin que remonte sa mémoire, c’est le ressac de la houle contre les rochers qu’il a entendu en premier. Oui, des formes fantastiques et mystérieuses, enfoncées dans la mer comme des dents dévorantes, léchées par les vagues et noyées par des nuées d’oiseaux blancs qui tournoient et balancent au gré du vent du large.

Il aurait pu se laisser porter par les rafales et les fanfares célestes, vers les grands inconnus et les terres vierges des autres bouts du monde. Mais c’est la terre qui l’attire, même si c’est un jeu de mots, ou de sons, bien involontaire.

Que cherche-t-il ?

Il n’est pas sûr de le savoir lui-même.

Alors il étend ses bras, comme s’il demandait de l’aide. C’est parce qu’il élargit ses ailes, pour aller plus loin.

C’est bien la terre qu’il survole. C’est elle qui l’aimante, pas l’infini béant qui s’ouvre au-dessus de lui. Ces pays aux senteurs folles, aux parfums innombrables qui l’enivrent. Les forêts aux canopées luxuriantes. Les terres rouges de terre et du sang des hommes.

Et surtout des femmes.

Est-il oiseau, ou ange, ou homme qui rêve ? Celui qui désire et qui étreint les ventres, les seins et les corps entiers, les nuits, de celles qui se dérobent les jours ?

suivre…)

Pas de commentaire

Laissez un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.