La nuit de ma naissance

10 Juil La nuit de ma naissance

Tout a commencé la nuit de ma naissance. Je sais, cela peut paraître évident ou banal, tout commence toujours au moment de notre naissance. Pourtant, ce n’est que bien des années plus tard que l’histoire de cette nuit-là, que j’avais apprise de ma mère, ce n’est que bien des années plus tard que j’ai compris à quel point les évènements qui précédèrent ma venue au monde avaient déterminé toute ma vie.

Il est fréquent que le déroulement d’une naissance ait une influence importante sur toute l’existence, particulièrement lorsqu’elle se déroule avec des incidents. En revanche, de tels incidents produits quelques heures avant sont plus rares. Et c’est ce qui m’est arrivé.

Je me souviens de nuits d’été, lorsque l’enfance avait apporté à mes premières années les rêves et l’or et l’amour maternel qui ont laissé en moi le dépôt toujours intact le plus sacré et le plus merveilleux. Nous profitions, mes frères, ma soeur et moi de la complicité des longues soirées d’été où disparaissent toutes les contraintes du monde. Nous étions tous les quatre agglutinés dans les profondeurs du canapé-lit du salon comme les petits oisillons dans leur nid blottis sous l’aile de leur mère.

Ces moments étaient les plus privilégiés. Maman nous racontait des histoires, répondait à toutes les questions qui nous passaient par la tête. Mais ce qui nous captivait le plus, c’était qu’elle nous dise, jusque dans les moindres détails, toutes les circonstances de nos naissances respectives.

Plus que tout, nous raffolions de ces récits, chacun son tour. Je suis sûr que ma mère, si cela devait se répéter trop souvent, devait faire appel à l’imagination et broder parfois. Il lui fallait combler ses oublis, ravir sa couvée et, peut-être, innover un peu. Il fallait bien qu’elle trouve pour chacun d’entre nous des détails à s’approprier. Ils devenaient immédiatement et pour toujours des grands motifs de fierté et le réconfort d’être unique.

Ce soir, je ne me souviens plus des détails qui transformaient les naissances de la fratrie en autant d’exploits émouvants. Cependant, je ne peux oublier mon histoire. Sans doute parce que sa simplicité un peu brutale l’a empêchée de s’évanouir avec les autres fables de ce petit âge.

Et je comprends maintenant à quel point beaucoup s’était joué pour moi  cette nuit-là : toute ma vie où je n’ai jamais cessé de craindre, comme encore ce soir, de passer à côté. J’ai failli naître sur la banquette d’une ds, en pleine nuit de printemps, dans la campagne normande, au coeur d’une forêt immense ou d’une campagne déserte. À moins que ce ne soit à la sortie de Paris au milieu d’un grand carrefour, ou sur une nationale, en remontant la Seine.

Mes parents habitaient Suresnes. Comme mon frère aîné, il avait été décidé depuis longtemps que je viendrais au jour à l’hopital américain de Neuilly. Mon autre frère et ma soeur était bien nés, entre temps, dans la clinique normande, en plein pays de Caux, que tenait son beau-frère.

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