Virginie

19 Juil Virginie

Je dois avoir six ou sept ans, huit à tout casser. C’est en juillet, comme aujourd’hui. Depuis quelques étés déjà, je fréquente Virginie. C’est une jeune beauté aux cheveux d’or comme les miens. Elle est déjà grande et sérieuse, puisqu’elle est souvent accompagnée de sa petite soeur Agnès dont elle se sent responsable et qu’elle surnomme Agneau.

Elle est de loin la plus jolie de la plage, je l’avais remarquée dès mon arrivée au club des Mouettes. Elle est peut-être un tout petit peu plus grande que moi, j’aime le hâle qui baigne sa peau de soleil, de sable et du sel de l’eau. Elle porte des maillots de bain aussi bleus que ses yeux. Je suis toujours fier de me promener à côté d’elle.

Nous nous retrouvons tous les jours sur la plage de la Salinette, la plus jolie de Saint-Briac. Ensemble, dès que les activités du club sont finies, nous allons pêcher. Armés d’épuisettes qui sont aussi grandes que nous, nous gravissons les rochers qui mènent au Béchet à gauche, ou vers la Petite Salinette à droite. Aucune mare, aucun bras de mer laissé par le reflux ne nous échappe et nous remplissons nos seaux en évitant les crabes qui nous font un peu peur à tous les deux.

L’expérience aidant, nous savons nous y prendre. Nous connaissons les bons lieux, ceux qui regorgent de crevettes ou, mieux encore, de bouquets qui se cachent longtemps sous les mousses ou les algues. Nous savons les attendre sans bouger, tandis que nous ne cessons de parler et de parler encore.

Nous avons tant de choses à nous dire : nos discussions sont souvent graves, puisque notre âge nous permet encore de savoir ce qui est important de ce qui ne l’est pas.

Lorsque l’après-midi s’achève, je raccompagne Virginie en haut de la plage, au même endroit où s’installe toujours sa mère, non loin de la cabine de bois blanc que sa famille réserve chaque été pour s’y changer et laisser les affaires de bain.

Et je vais rejoindre Papa et le goûter qui m’attend à bord de l’Argwen, mouillé au Béchet aux pieds du petit sanctuaire de la Vierge des Mers. S’il est à sec, je pourrai courir sur la vase tiède jusqu’à son bord. Sinon, la mer ne sera jamais trop haute pour m’empêcher de rejoindre le bateau. Je sais nager depuis des années même si je ne sais faire autrement qu’en gardant toujours la tête sous l’eau.

Les années ont passé, mes derniers souvenirs sont vagues. J’attendais chaque été et chaque retour en Bretagne avec une fébrilité croissante qui me faisait comprendre que je tenais de plus en plus à revoir Virginie. Nos retrouvailles marquaient le début de vacances qui duraient tout un mois, un été, l’éternité.

Je ne sais plus quand ses parents ont décidé de ne plus venir à Saint-Briac et je ne sais pas ce qu’elle est devenue. Je me souviens vaguement de son nom de famille qu’elle a pu changer depuis pour prendre celui d’un autre. Mes recherches sur internet n’ont jamais rien donné. Se souvient-elle de moi ?

Virginie est la première femme que j’ai aimée. Depuis le premier jour avec elle, il n’y a pas eu un seul jour de ma vie sans que je sois amoureux, de l’une ou d’une autre. Et si cela n’est pas vrai, je préfère mentir plutôt que mourir.

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