21 Mar Un être bien falot
Le problème, c’est qu’il manquait de densité. Lui même avait fini par s’en rendre compte. Lui pourtant si profond et sensible, dont l’intelligence dépassait de loin celles des communs et des mortels. Enfin, c’est ce qu’il avait toujours pensé. Mais il avait bien fini par se résoudre aux évidences que la vie lui soumettait aussi quotidiennement que cruellement. Il n’y avait que dans ses rêves qu’il était digne d’être appelé un homme accompli et épanoui. Le regard des autres lui renvoyait un autre reflet : celui d’un être bien falot, effacé et de plus en plus absent, comme si son existence s’étiolait au rythme des ans, au vent des illusions perdues.
Il y avait pourtant des générations spontanées. Des génies reconnus tout de suite, des artistes très vite célébrés. Bon, il y avait les post mortem aussi, les posthumes dont la gloire n’avait éclaté qu’après leur vie terrestre. Parfois bien après. Mais il y avait aussi ceux qui s’étaient révélés sur le tard. C’est ainsi qu’il cherchait à se consoler : il vérifiait les biographies de tous les écrivains auxquels il pensait, pour savoir à quel moment ils avaient commencé à écrire et, surtout, quand le succès les avait salués. Mais il ne parvenait pas à se rassurer tant que ça. Rares étaient ceux qui avaient commencé sur le tard, mais il y en avait quand-même quelques uns. Des exceptions…
Comme lui ?
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