10 Jan Tout moche
J’aurai dû m’en douter. Avec un front aussi protubérant, tu en cachais un autre, beaucoup plus serré et mesquin. La raison sans doute pour laquelle tu l’avais recouvert d’une plastique plutôt disgracieuse et mal camouflée de fausses boucles, de menton mal rasé et de grandes écharpes. Elephant Man ?
La vraie face, la laide, elle est encore plus inintéressante que la prothèse qui te sert de visage. Au moins.
Allez, j’ose enfin te l’avouer, du haut de mon monticule blogesque : Ce profond malaise que j’ai toujours ressenti en face de toi, et cela fait des années qu’on se subit – de plus en plus épisodiquement. Malaise, oui. Très vite, j’ai ressenti la fausseté que cachait mal une obséquiosité d’opérette et, je te l’accorde, ta réelle drôlerie qui a réjouit plus d’une de nos soirées mondaines. Tu es loin d’être stupide, mais j’arrête-là mes bontés. Surtout, tu dissimulais trop mal un mépris que je ne méritais quand-même pas autant que cela, pauvre vieux… Pourtant, tu t’en es donné, du pas de mal…
Nos rencontres, heureusement de plus en plus fortuites et aéroportuaires, me foutent quand-même en rage. Te croiser, le sais-tu, soulève à chaque fois une immense nausée en moi, mêlée d’une colère que tu ne vaux pourtant pas beaucoup plus. J’espère au moins que tu me renvoies l’appareil, ce que je sens tellement avec toi. Comme ça, ça s’annule, non ? Ou alors excuse, vieux faux frère, oublie et pardonne ma divagante méchanceté à ton égard.
En attendant, dis, qu’est-ce qui m’empêcherait d’afficher le même mépris que toi ? Tu sais, c’est la seule chose que nous avons gardé en commun. Le reste, je suis d’accord, c’était du toc. Si ce n’est pire, ou quelqu’un des tiens. Mais je ne voudrais pas me mettre à ton niveau. J’ai ma fierté quand-même. Je vais t’épargner d’une morgue dont j’aurai été, de toute façon, bien incapable.
Allez, pour finir. Je te méprise autant que toi. Je sais tout sur toi, ou presque, et cela me suffit. C’est comme ça, je te vois à travers, pauvre imposteur de toi-même. Je te plains. Je pense bien que, finalement, c’est vraiment moche pour toi. Too much. Tout moche.
dans les airs, entre Varsovie et Paris
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