11 Mai M’endormir
J’eus la tentation de m’endormir, je vous l’avoue. Pour que le temps passe plus vite et me rapproche de félicités merveilleuses. Il y aurait eu une belle femme brune, songeuse et silencieuse, veillant à mon réveil en m’entourant de sa beauté protectrice. Plus tard, une fois ravivé et conscient de sa confiance, de son amour et de ses promesses pour moi, la grâce et l’inspiration feraient pleuvoir des lignes et des chapitres et des oeuvres, enfin.
Oui, le sommeil, comme tueur de ces heures creuses de tout, et porteur de miracles.
Je ne serais pas ingrat. Je lui rendrais toute l’intensité dont elle aurait m’irradiée. Je la célébrerais, j’enflammerais mes lignes de sa beauté, de sa féminité. Elle me lirait, elle serait heureuse de se savoir admirée, aimée, proclamée.
Mes mots l’embelliraient aussi bien que les plus belles pierres précieuses.
J’ai souvent cédé, je vous l’avoue encore, à ce mirage trompeur. J’ai dormi. Comme répondait ce cardinal aux questions de journalistes inquiets, au sortir d’un conclave fiévreux : oui, j’ai beaucoup dormi.
Mais je n’ai pas l’âge du vieux prélat. Il me restait encore du temps, j’ai bien fini par me réveiller. Seul et muet, transpercé par la blessure du vide qui hurle et me creuse le cerveau.
Je dois me mettre au travail.
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