12 Juin Ma mère, le vendredi soir…
Je crois que j’ai un peu trop abusé sur le whisky ce soir, c’est vrai qu’on est vendredi… Je ne sais pas pourquoi, ça me donne une furieuse envie de vous parler de ma mère, comme si nous étions tous accoudés au même comptoir… Oh, pas du tout comme vous pourriez vous y attendre, les violons et les larmes, la seule femme de ma vie qui m’ait jamais aimée, etc…
C’est très bizarre : j’ai adoré ma mère. Je sais qu’elle m’adorait aussi. Ce qui m’a valu quelques problèmes d’enfance mais n’en parlons pas. Pas ce que vous croyez non plus, mais avec les autres, un frère et une soeur qui n’ont pas eu leur part à ce moment. Pas de leur faute, les pauvres… Ni de la mienne.
Pas seulement d’enfance les problèmes, d’ailleurs. Attendez un peu, vous allez comprendre. Je vais vous la refaire comme vous l’ont fait Cohen et Gary, ces deux salauds… Je ne peux pas m’en empêcher.
Il faudrait interdire aux mères d’aimer leurs enfants comme ça. C’est ça que je dis. Parce qu’après, je ne retrouve aucun soleil qui me chauffe l’épiderme aussi fort. Je sais de quoi je parle, car de l’épiderme, Maman en avait. Petit enfant, elle oubliait de m’emmener à l’école maternelle, et nous partions nous promener seuls dans la Forêt Verte. Celle qui longeait les terres de Bois-Guillaume, ça ne s’invente pas… Les rayons perçaient l’épaisseur formidable de la forêt normande, ils nous caressaient de leur douceur tandis que je marchais avec elle. Tout en cherchant à suivre le chemin chacun de son côté, elle à droite et moi à gauche, nous nous amusions à nous tirer l’un vers l’autre en serrant chacun les deux bouts d’une corde. Une corde à sauter je crois, je la serrais si fort comme si rien ne pourrait jamais nous séparer.
Je me rends compte que je me suis égaré. Fichu whisky… Je voulais vous parler d’elle, et je n’en ai que pour moi et pour tout ce qu’elle était pour moi. Ce sera pour une autre fois, je n’en ai plus la force.
Si, quand-même. Je sais ce que je voulais vous dire. J’aurai voulu vous parler d’elle, de la femme qu’elle était. En réalité, je n’en sais rien, ou très peu, il faudra que je revienne. Je ne l’ai connu que comme ça : comme une mère. C’était le dernier rôle qui lui convenait et dans lequel elle a jeté toutes ses forces jusqu’à la mort.
Claudine
Posted at 20:15h, 12 juinBel hommage…. C’est vrai que les enfants ont tendance à oublier que leur mère ne joue pas que ce rôle dans la vie…