18 Avr Souillure
Il m’a fallu du temps avant que le mot remonte, comme une nausée. Ces quelques jours où je ballotais au gré des heures, des nuits et des actions sans que rien ne s’oppose, ni l’énergie du printemps, ni la lumière des soirs d’avril. Aucune douceur qui ne surmonte la douleur que tu es venue de nouveau distiller dans mon coeur.
Ce soir, j’ai enfin trouvé le moyen. Je m’en remets au miracle du verbe et de la parole. Puisque le mot est venu, la parole se dénoue. Je doute que tu me lireras, je sais que mon écriture est une des pommes de notre discorde. D’ailleurs, il le vaut mieux maintenant : tu te reconnaîtrais sans faillir à t’en étrangler d’indignation, tu ne comprendrais rien à mes lignes, tant il est vrai que ta colère t’aveugle au point que tu n’as jamais imaginé que je puisse réagir ainsi. Tu n’admets que des réactions qui correspondent à tes codes, tu ne sais pas beaucoup aller plus loin. Pourtant, tu y trouverais aussi une certaine satisfaction, je te connais, en constatant à quel point tu as pu m’atteindre.
Peu importe, je vais me libérer et je pourrai enfin reprendre mon chemin.
Depuis que tu m’as submergé de tes cris et de tes jugements, je parviens à peine à faire surface. Englué dans ta haine, sidéré par ton agressivité qui soufflait sur toutes mes réponses comme sur des braises, je me suis glissé dans un manteau lourd de silence… j’étais abasourdi. Si ton attaque n’était pas la première, je crois qu’elle était plus violente que jamais. Et moi, redoutant l’escalade, Dieu sait combien je veillais à ne jamais rendre les coups, en appelant à la paix, à la prière, au pardon.
Je suis souillé par tes insultes, par ton mépris et tes moqueries. La boue me colle à la peau, je n’ai pu m’en laver encore. Alors ce soir j’écris et je me libère. Cette boue n’est pas la mienne et j’ai beaucoup de peine pour toi qu’elle sorte de ta bouche. Cette tristesse qui étreint mon coeur, elle ne me quittera pas entièrement car dès que je penserai à toi, l’image de cette noirceur qui t’assaille et te défigure reviendra. Je ne comprends pas ce mal mystérieux qui déforme ton coeur et dévie tes intentions, en particulier lorsqu’il s’agit de moi. Car je te sais bien meilleure que cela, et tu mènes à certains égards une vie courageuse et admirable. Nous avons tous nos croix, je ne comprends pas pourquoi tu as besoin à ce point d’alourdir le poids de la mienne d’un fardeau qui ne me revient pas.
Au fil déroulant de tes affirmations péremptoires et si souvent contradictoires, j’ai pensé à la parabole de ce Jésus que tu revendiques pourtant plus que moi : celle de la paille et de la poutre. Il m’a suffit de te le dire pour que tu culmines dans le paroxysme de ton ire contre moi. Et pourtant, je m’étonnais que la plupart des maux dont tu m’accablais étaient ceux, en réalité, que tu ignores en toi. Mais je n’ai pas osé te le dire, de peur que tu t’emportes encore plus. Je t’ai seulement dit qu’il fallait se méfier des jeux de miroir. Tu ne l’as pas supporté non plus.
Je finis. Je te plains sincèrement. Ta véhémence est sans doute le signe d’attentes démesurées que tu places en moi, qui ne peux presque plus rien pour toi, tant tu as piétiné les restes de confiance qui subsistaient entre nous.
Je sais que tes violences sont les signes de souffrances que ton coeur malheureux fait battre insatiablement. J’étais un ennemi facile puisque je ne rendais jamais les coups. Mais une fois retiré de ton champ de bataille illusoire, où iras-tu guerroyer ? Oui, je te plains, et les bons sentiments que j’aurai toujours pour toi, je ne peux plus les envoyer qu’à distance, à travers la prière et les ondes. Qui sait, peut-être qu’elles sauront te toucher ?
En attendant, j’arrive au bout de ces lignes. Je sais maintenant que mon accablement s’en ira à son tour, dès que j’aurai tourné cette page. Pour moi, le temps de la paix est revenu.
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