07 Jan Elle ne m’a pas reconnu
Sur le coup, le choc a été un peu dur. Mais je m’en remets sans grand mal. Je re-galoppe vers ma gloire et les sabots de ma monture-écriture résonnent joyeusement sur le clavier de l’ordinateur. Oui, c’est un peu à cause d’elle, tout à l’heure, que j’ai dégringolé trop vite au bas de mon Olympe. C’est pour ça que je me suis précipité pour écrire et reprendre l’ascension sans perdre plus de temps. Car je vais y arriver, la certitude m’habite. J’ai des doutes sur mon talent mais, paradoxalement, moins sur ma destinée.
Pendant quelques minutes, j’avais même l’illusion d’y être. J’étais dans mon élément, parmi les miens. Enfin. J’étais entouré des comédiens les plus connus du Français. Au milieu d’eux, jouant de son écharpe et de ses cheveux bouclés, celui qui est le plus en vogue aujourd’hui et qui, pendant quelques instants, ne partageait plus seulement avec moi que le prénom, mais aussi l’espace et les regards. Tout en gardant froideur et distance, et plein du respect que j’ai pour son divin talent, je voulais le séduire pour ce que je suis en train de devenir, un écrivain. Lui voulait être sûr que moi aussi, il pouvait me séduire. Comme tous les acteurs.
Les grands esprits se rencontrent-ils ?
Lui au moins se donnait un peu de mal. Pas elle, la serveuse du Nemours. J’ai cru pourtant, au moment de payer la note, qu’elle emploierait déjà les mêmes familiarités tendres comme avec nous tous, avec tous mes voisins de table. Mais non, elle m’a tendu son terminal et j’y ai glissé ma carte bancaire, pour régler. Pas un mot de plus, que l’amabilité glaciale du service commercial. Alors je suis parti. Je me suis encore étonné de voir que la rue s’était peuplée d’êtres ordinaires, réapparus comme des furieux dans la griserie d’un début après-midi frais et terne. Tiens, ils existaient encore et tentaient de me noyer dans leur masse ?
Dur rappel à un quotidien, certes temporaire et transitoire. N’est-ce pas ?
Nemours, Paris, entre les colonnes, à gauche quand on arrive
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