Célébration

12 Avr Célébration

Je connaissais mal son visage, je n’avais qu’une photo d’elle. Je ne connaissais même pas sa voix. Nous ne nous étions jamais rencontrés. Et maintenant, elle était assise en face de moi. Le miracle s’était produit, et je me disais que la vie vaut d’être vécue, si elle peut produire de tels miracles.

Je voudrais passer sur les détails, sur le déroulement apparemment si banal du début de notre première rencontre, de tout ce qui se passait là, devant moi, en moi aussi. Je voudrais dire l’émotion qui me submergeait, les mille et unes impressions que me procuraient enfin son apparition et qui confirmaient toutes ce que je savais déjà.

Mais ces détails ont de l’importance. Il ne faut pas aller trop vite. Tous ces gestes, ces propos, ces timidités vaincues en direct, dans ce restaurant, ils avaient été gagnés de la plus haute lutte, eux aussi valaient la peine d’être savourés, un à un. Cette lutte contre le hasard, le vent vide qui semble diriger nos vies.

Alors je la regardais. Je crois que je disais n’importe quoi. Il s’agissait de raconter mon voyage, comment j’avais regagné ce lieu qu’elle avait choisi. Le train, puis le taxi, arrivé trop tôt, et la marche aux hasard des rues de ce village de campagne. Ensuite, le monde est quand-même bien fait, le choix rapide et toujours si incongru en de telles circonstances des plats qui étaient détaillés dans la plaquette du menu, comme si nous n’étions venus que pour dîner, et que chacun utilisait comme un éventail utile et pudique.

Mais cela ne comptait pas. Elle aussi me fixait d’une attention qu’elle ne pouvait visiblement, tout comme moi, détourner vers nos propos de circonstances. Écouter les paroles de l’autre, on verrait plus tard, le temps est fait pour ça.

Le mieux déjà, c’était d’entendre sa voix. Je la reconnaissais, sans l’avoir jamais entendue. La même vibration qui avait porté ses mots et ses lettres, pendant les semaines qui avaient précédé, et qui vrillait dans ma poitrine une onde douce et lumineuse.

Elle était belle, même si je le savais aussi. Je percevais la fébrilité qui l’animait autant que moi, des petites tâches rouges qui marquaient ses joues, à chaque fois qu’elle les abandonnaient après les avoir effleurées de ses mains. Autant de signes de vie, après tant de virtualités entre nous, qui soulevaient ma joie profonde. Je découvrais aussi sa présence, ses mouvements, le port de sa tête, les gestes de son corps, de ses bras et de ses mains, tels qu’ils occupaient son espace.

(… à suivre… )

1commentaire
  • mailis
    Posted at 22:25h, 13 avril Répondre

    il n’y pas que Dieu qui est impatient…

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