26 Déc Ce n’était pas vous
Ce n’est pas ce couple pressé et sombre, lui porteur d’une chapka comme on en voit dans les rues de Moscou. Elle… je ne me souviens déjà plus d’elle.
Ce n’est pas cette famille retardée par la progression lente d’un petit enfant qui faisait ses premiers pas, encore hésitants, sous le regard à la fois admiratif et inquiet de ses parents.
Ce ne sont pas ces deux adolescents étrennant leur voiture téléguidée sur le trottoir, qui fonçait et zigzaguait entre les promeneurs.
Ce n’est pas non plus ce mendiant, accroupi sur des valises couchées, et tendant la main au pied d’un distributeur automatique d’un argent qui, visiblement, n’est pas si automatique que cela : il ne fonctionne pas pour lui, il attend encore. Il envoie des derniers signaux d’humanité, qui ne trouvent pour écho que le reflet noir du trottoir luisant de pluie.
Nul d’entre eux n’a sauvé cette fin d’après-midi engourdie.
C’est vous, jeune femme, dont je n’ai perçu la beauté qu’au moment où, justement, elle était passée. Je n’ai eu qu’une seconde pour me retourner mais vous aviez déjà disparu dans l’obscurité de ma nuit d’hiver. Vous avez emporté avec vous toute la lumière de cette soirée de Noël. Après vous, la rue était encore plus sombre et plus froide.
Cela aurait pu être vous. Mais vous avez fui de ma vie avant même que je vous remarque vraiment, vous aussi. Ce n’était donc pas vous.
Pas de commentaire