L’oiseau et la jeune fille

19 Nov L’oiseau et la jeune fille

L’histoire que je vais te raconter est arrivée il y a longtemps, très longtemps… Cela s’est passé il y a quelques centaines d’années, quelque part au bout de la Bretagne, là où d’anciennes montagnes, les forêts, les landes et les terres se précipitent dans l’immensité de l’océan.

Là où aussi des milliers d’oiseaux vivent, entre le ciel et la mer, tout près des rochers et des falaises.

Je vais te raconter l’histoire d’un oiseau pas comme les autres.

Il était certes très heureux d’être un oiseau, de pouvoir danser dans les airs, de traverser les nuages, ou de survoler les flots, les rochers où il se jouait des vagues, ou les longues plages de sable fin qui bordaient la terre.

Et pourtant, chaque jour, il sentait dans son cœur une petite flamme qui couvait. Il savait que seul un feu ardent donnerait pleine vie à sa flamme. Un feu qui serait bien trop grand pour son petit corps, tel qu’il pourrait le brûler. Ce feu, il ne pourrait naître que de la rencontre avec une autre flamme. Ce désir, il le ressentait depuis si longtemps qu’il avait fini, en l’absence de le vivre pleinement, de s’habituer à la tristesse qui l’accompagnait.

Les matins et les jours, il volait souvent dans le vide du ciel et des nuages. Il cherchait autour de lui ce qui pourrait alimenter sa flamme. Il était attiré par la terre, baignée par les vagues venues du large. Il ne comprenait pas pourquoi, mais cela est normal. Son cœur était trop serré, trop petit encore pour comprendre.

Quand le soir tombait, il aimait attendre le scintillement des premières étoiles. Avant d’aller se réfugier pour la nuit, dans le nid qu’il avait construit au nœud des branches d’un grand chêne, il allait une dernière fois planer dans le ciel, le plus haut et le plus longtemps possible. Et là, dans le silence nocturne, porté par le murmure du vent, il se laissait caresser par les milliers de regards et de sourires que lui adressaient les astres célestes.

Une nuit, après l’un de ses vols consolateurs, il fit un songe. Si cela t’étonnes, je tiens à te dire qu’il n’y a pas que les petits garçons ou les petites filles qui font des rêves. Les oiseaux rêvent aussi, comme tous les autres animaux. Comme notre oiseau cette nuit-là…

Alors qu’il était profondément endormi, il entendit une voix qui chuchotait à son oreille. Étonné, il ouvrit les yeux. Un être merveilleux était auprès de lui. Il avait deux jolies petites ailes repliées dans son dos, celles d’un oiseau comme lui. Il avait aussi deux grands yeux, le visage et le sourire d’un petit garçon. Une lumière magique se dégageait de son regard et de son sourire, sans l’aveugler. C’était la même lumière que celle qu’il connaissait des étoiles. Il le comprit, il était en présence d’un ange.

Comme tu le sais, les oiseaux ne parlent pas comme nous. Ils n’ont pas besoin de mots et de phrases comme nous pour dire ce qu’ils ont dans leur cœur, ou pour entendre ce qu’ils doivent entendre. Ils ont bien mieux : C’est la musique, celle qu’ils sifflent à pleine gorge, ou celle qui souffle dans le vent ou dans les feuillages des arbres.

Ce que l’oiseau entendait à son oreille, c’était un chant très doux qui berçait son cœur de tendresse et de joie. Il sentait des rayons d’or qui remplissaient ses poumons d’une énergie ardente. L’oiseau dormait, et en même temps, enivré par la mélodie qui l’envahissait tout entier, il voyait.

Il rêvait qu’il volait.

Son vol était haut et léger, dans le ciel clair et chaud d’un matin d’été. Il venait du large, il rasait les vagues, poussé par la brise et par l’écume qui moutonnait comme si la mer riait. Il suivait la ligne dorée qu’un puissant rayon de soleil miroitait sur la mer et qui le dirigeait vers la terre. Il était irrésistiblement attiré par la grande plage, celle qui fait face à l’océan et qui s’étend au pied des rochers et des falaises escarpées.

Lorsqu’il s’approchait enfin de cette plage, il distinguait une ombre, un point noir minuscule qui, au loin, avançait lentement sur le sable. Son cœur battait, son vol accélérait. Tirant de toutes ses forces sur ses ailes, il se sentait aspiré par l’air qui le précipitait vers l’ombre qui, peu à peu, grandissait.

C’était une jeune fille. Elle marchait seule sur la grande étendue de sable et de dunes qui ressemblaient aux vagues. Où allait-elle ? Il voyait, derrière elle, les traces de ses pas qui dessinaient une ligne droite et qui allait loin, loin, jusqu’à disparaître vers les commencements de la plage, à sa naissance là bas où le regard se perd, entre la terre et la mer.

La jeune fille continuait d’avancer. Il n’y avait qu’elle et lui, dans l’immensité et la beauté de la nature.

Bientôt, alors qu’il n’était plus qu’à quelques dizaines de mètres de la jeune fille, l’oiseau ralentit à son tour. Tout ce qui se passait, jusqu’à ses propres mouvements, jusqu’au battement de son cœur, l’oiseau savait qu’il vivait le moment le plus important de sa vie. Parce que l’ange continuait de lui chanter. C’est dans sa mélodie qu’il comprenait tout.

À un moment, il vit que la jeune fille avait tourné la tête. Elle regardait dans sa direction. Et tout d’un coup, elle s’était arrêté de marcher.

Maintenant, l’oiseau était au dessus de la jeune fille. Il était en survol, battant parfois des ailes pour que l’air le porte sans le déplacer plus loin. C’est alors qu’il baissa son regard. Son ombre, qui avait couru sur le sable en imitant son vol, s’était immobilisée à son tour. Elle recouvrait entièrement la jeune fille.

Il était midi, le soleil culminait au sommet du ciel et partageait sa lumière dans son plus grand éclat.

C’est alors qu’il vit se produire l’inexplicable. Tandis que l’oiseau ne bougeait pas, la jeune fille non plus, au sol, leurs ombres se mélangeaient. Tout d’un coup, elles s’enflammaient. Des flammes s’élevaient dans le ciel, au point qu’il sentait déjà leur chaleur le toucher. Et tout d’un coup, l’oiseau se métamorphosait. Le feu avait transformé son corps, qui était tombé sans heurt sur le sable mou, comme s’il avait été porté par des anges.

Ce n’était plus un oiseau qui se relevait, mais un jeune garçon qui, tendrement, embrassait la jeune fille qui lui avait ouvert ses bras.

C’est à ce moment que l’oiseau s’est réveillé. L’aube avait effacé la nuit et, déjà, les premiers rayons du soleil l’invitaient à vivre une nouvelle journée. Il n’avait rien oublié de son rêve, une immense douceur baignait encore ses pensées et ses mouvements, quand il commençait à déplier ses ailes, avant de prendre son envol.

Maintenant, il le savait, il ne volerait plus vers les nuages et vers le vide. Pour prendre son élan, il irait survoler les rochers, les falaises et les vagues. Il irait vers le désert de la plage, à la recherche d’une ombre qui avance. Un jour, bientôt, il trouverait une jeune fille marchant seule sur le sable. Pour que sa flamme rencontre la sienne et qu’ensemble, ils embrasent le monde.

Pas de commentaire

Laissez un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.