« Siddhartha » de Hermann Hesse – Note de lecture

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Note du 22 mai 2015

Il ne faut rien regretter. Les hommes de bonnes intentions n’ont pas à regretter les choix de leur vie, les erreurs inévitables, les bonheurs disparus. Le temps perdu n’existe pas non plus : toutes les expériences vécues étaient nécessaires pour celui qui accepte la vie, lâche prise et fait confiance. C’est la grande leçon d’optimisme que je retire de la lecture de ce roman philosophique d’Hermann Hesse.

 

Le jeune Siddharta quittera son père le sage brahmane. Il rencontrera le Bouddha, qu’il quittera aussi, en même temps que son ami Govinda. Il connaîtra l’ascèse et la volupté, la misère et la richesse, la joie et le désespoir. Il les quittera aussi. Inlassablement, il sera toujours animé par la quête de la sagesse et de la paix suprêmes.

 

Il connaîtra l’amour, celui qui épanouit auprès de la belle Kamala. Celui qui déchire auprès de son fils qui le quittera comme lui-même avait quitté son père : “Lui aussi souffrait maintenant comme un autre, s’attachait à un autre, se perdait dans l’amour d’un autre et tombait dans la folie. Une fois dans sa vie, quoique tardivement, il éprouvait cette passion, la plus forte et la plus étrange, il en souffrait, il en souffrait à faire pitié et pourtant il en était heureux : n’aurait-elle pas renouvelé quelque chose en lui, ne l’aurait-elle pas enrichi d’autant ?”(p.134)

 

C’est avec l’humble et silencieux Vasudeva qu’il trouvera. En devenant comme lui l’humble passeur qui permet aux voyageurs de franchir le fleuve pour qu’ils continuent leur chemin.

 

Ce roman est une leçon d’ouverture, de patience, de tolérance envers les autres, et d’acceptation de soi-même. Il rapproche les uns des autres : “Quand il lui arrivait de passer des voyageurs de condition inférieure, des marchands, des soldats, des femmes de toutes catégories, ces gens-là ne lui semblaient plus aussi étrangers qu’autrefois ; il les comprenait, il comprenait leur existence que ne réglaient ni idées ni opinions, mais uniquement des besoins et des désirs ; il s’y intéressait et se sentait lui-même comme eux. Quoiqu’il approchât de la perfection et qu’il portât toujours les traces de sa dernière meurtrissure, il lui semblait pourtant que ces hommes simples étaient ses frères…” (p.139).

 

Sans les exclure, il relativise les absolus humains érigés en doctrines : “Non, le vrai chercheur, celui qui avait trouvé pouvait les admettre toutes, comme il pouvait admettre toutes les voies, toutes les fins. Plus rien ne le séparait de ces milliers d’autres doctrines issues de l’Eternel et toutes imprégnées du Divin.” (p.123)

 

Pour ouvrir le coeur et l’esprit vers l’acceptation de soi-même, qui passe par la contemplation et la compréhension du réel. C’est le fleuve qui coule, dont les courants et les remous parlent plus ou moins fort selon les jours et le temps qu’il fait : “N’est-ce pas, mon ami, que le fleuve a beaucoup, beaucoup de voix ? N’a t’il pas la voix d’un souverain et celle d’un guerrier, celle d’un taureau et celle d’un oiseau de nuit, celle d’une femme en couches et celle d’un être qui soupire, et mille autres voix encore ?” (p.121)

 

Siddharta va comprendre le mystère du fleuve “aux perles brillantes”, qui le regarde “de ses mille yeux verts, blancs, bleus, argent.” (p.115)

 

C’est le fleuve qui révèle l’immanence de l’être, l’absolu du présent : “”le fleuve est partout simultanément : à sa source, à son embouchure, à la cataracte, au bac, au rapide, dans la mer, à la montagne : partout en même temps, et (qu’) il n’y a pas pour lui la moindre parcelle de passé ou la plus petite idée de l’avenir, mais seulement le présent”… “quand j’eus appris cela, je jetai un coup d’oeil sur ma vie, et elle m’apparut aussi comme un fleuve, et je vis que Siddharta petit garçon n’était séparé de Siddharta homme et de Siddharta vieillard par rien de réel, mais seulement par des ombres. Les naissances antérieures de Siddharta n’étaient pas plus le passé que sa mort et son retour à Brahma ne seront que l’avenir. Rien ne fut, rien ne sera ; tout est, tout a sa vie et appartient au présent”. (pp.120,121)

 

C’est cela l’éveil.

 

La vie est acceptation, elle n’est pas renoncement.

 

L’écriture lente et précise d’Hermann Hesse – en tout cas telle qu’elle est traduite ici – suit la progression initiatique de ce roman et accompagne le lecteur vers la paix.

 

(édition Le Livre de Poche)

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