« Clair de femme » de Romain Gary – Note de lecture

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« Clair de femme »

de Romain Gary

note du 7 août 2016

Probablement, l’amour humain élevé à l’absolu, celui du couple où l’homme adore, où les yeux des femmes prient, probablement cet amour n’est pas à notre portée. Pas toujours, pas toute la vie, pas celle-ci en tout cas. Je ne sais pas, je ne sais pas si Romain Gary le savait non plus et ce magnifique Clair de Femme ne me l’apprend pas.

Je redécouvre ici l’amoureux passionné et exclusif des femmes. Ce désir permanent, cette soif de la rencontre et de la présence féminine qui est la seule qui comble, la seule où l’échange est réellement possible, où la vie a sa chance.

Je ne dirai rien de plus, je m’efface avec joie devant le Maître, dont voici quelques lignes parmi celles qui m’ont le plus touché :

 

Elle devait avoir mon âge, à quelques années près. Un visage qui semblait avoir attendu les cheveux blancs pour réussir ce que la jeunesse et l’agrément des traits n’avaient fait qu’esquisser comme une promesse.” p.9

 

Je n’avais pas la moindre chance de m’en tirer seul et la raison était bien simple : j’avais trop aimé pour être encore capable de vivre de moi-même. C’était une impossibilité absolue, organique: tout ce qui faisait de moi un homme était chez une femme.” pp.40,41

 

Son regard me noya de bonté. C’était vraiment de la haine.” p.97

 

Nous crevons de faiblesse, et cela permet tous les espoirs. La faiblesse a toujours vécu d’imagination. La force n’a jamais rien inventé, parce qu’elle croit se suffire. C’est toujours la faiblesse qui a du génie.” p.125

 

Je n’ai jamais bien su ce que cela signifie, une femme “très féminine”, un homme “très viril”, si ce n’est pas d’être d’abord celui ou celle qu’on aime.” p.129

 

J’ai vécu d’une femme et je ne sais pas comment on peut vivre autrement.” p.130

 

Tu m’as tellement aimée que c’est presque mon oeuvre. Comme si j’avais réussi vraiment à faire quelque chose de ma vie.” p.130 – Yannick à Michel

 

Ne te laisse pas aller à la facilité, Michel, ne fais pas de moi une excuse pour ne pas aimer : la mort est déjà assez salope, je ne veux pas l’enrichir. Je vais disparaître, mais je veux rester femme. (…) Cette soeur inconnue, je veux que tu lui dises combien j’ai besoin d’elle. J’aurais aimé la rencontrer… Je te demande de ne pas faire de mon souvenir un petit magot jalousement gardé. Dépense-moi. Donne-moi à une autre. Ainsi, ce sera sauvé. Je resterai femme.” pp.132-133 – Yannick à Michel

 

Si un jour je cesse d’aimer, c’est que je n’aurai plus de poumons. Vous êtes là, il y a clair de femme, et le malheur cesse d’être une qualité de la vie…” p.138

 

Elle disait qu’il y avait chez moi idéalisation et que se perdait ainsi la réalité d’une femme ; c’était tant mieux, elle se sentait ainsi moins périssable ; un peu privée de son humanité, elle devenait moins mortelle.” p.141

 

Elle mettait en toi son espoir. “Je voudrais qu’elle vienne ici à la même saison, quand cette tache mauve de bruyères sera de retour, et dans sa main, ta main se souviendra de la mienne.”” p.142

 

Ma main alla puiser dans sa chevelure, qui avait pris à l’âge ce qu’il avait de plus clair, et dans ses rides, celles du sourire, celle du front, verticale, comme crucifiée entre ses deux ailes, et celles du regard, si douces, si finement creusées. La vie est célèbre pour ses travaux.” p.144

 

Qui oserait aujourd’hui se réclamer de permanence ? Qui oserait te dire que l’honneur, la virilité, le sens et le courage d’être un homme, c’est une femme ?” p.148

 

J’ai mal, bien-sûr, surtout aux bras et à la poitrine, là d’où on t’a arrachée, aux yeux, aux lèvres, partout où c’est creusé ton absence, mais cette empreinte profonde et indélébile est devenue sanctuaire de femme, où tout est prêt pour l’accueillir, pour la bénir et lui donner à aimer.” p.162

 

Lorsqu’on rencontre un tel besoin d’aimer chez un homme, on ne sait même plus si on existe pour lui, si on est aimée, ou si on est seulement un instrument de culte… Il faut que je vive aussi, moi.” p.176

 

On me regardait étrangement, car ce fantôme sans femme ne paraissait pas chez lui dans ces parages. Par dessus les toits, il y avait l’autre soleil qui se montrait. Je senatis que les choses autour de moi cherchaient à me reprendre dans leur cours, mais c’était là affaires d’éternités, d’univers, d’années-lumière, et le ciel faisait semblant, mais son immensité le trahissait, car le vrai ciel est petit comme une main. J’étais surpris de voir autour de moi tant d’hommes dignes et fiers qui ne mendiaient pas, tant de femmes aux yeux qui ne priaient pas.” p.178

 

Éditions Folio

Lire la note de lecture « Au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable », du même auteur

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