le Dieu Impatient

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« Écrire ! Verser avec rage toute la sincérité de soi sur le papier tentateur, si vite, si vite parfois que la main lutte et renâcle, surmenée par le dieu impatient qui la guide… »
Colette, La Vagabonde

 

19 Déc À croquer sur place

Vous comprenez, la solitude du voyageur de commerce ? C'est ma solitude ce soir, pauvre de moi, en ce Londres qui fouette de neige ou de pluie et de vent, c'est selon. J'ai encore les pieds mouillés, je n'ai pourtant pas fait beaucoup de mètres en sortant de l'hôtel. Vous voyez ma détresse ? Alors, ces deux créatures qui viennent de s'asseoir à la table qui est à côté de la mienne. Qu'est-ce que je fais ? Rien, bien-sûr. Alors j'écris. Je lui jette quand-même des oeillades, à la jolie. Pas au mocheton qui est avec elle et qui doit se venger au lit par...

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19 Déc à la bonne franquette

"Allez, on est entre nous", dit-il de son coude qu'il enfonce dans mes cotes. Sa camarade familiarité nous vaut bien ça, avec ses clins d'oeil qui ponctuent toutes les banalités qu'il m'assène avec beaucoup de talent très personnel et d'implication volontaire. Des années de pratique. Alors on rit, puisqu'il le faut. Faute de mieux ou surtout, pour moi, d'un peu de silence ou, rêvons un peu, de solitude. Ce sont mes rires qu'il recherche, le salaud. Et moi, lâche, je lui livre mes canines et attends que ça passe. Y a des fois, je lui dis que je ne comprends pas, pour...

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16 Déc Je veux devenir écrivain

Je veux devenir écrivain. Je serai écrivain. Je suis en train de devenir écrivain. Faut-il me le répéter ? Je veux devenir écrivain. J'ai toujours voulu devenir écrivain. Enfant déjà, j'écrivais des petites histoires : "L'organiste au nez crochu", "La Planète X" sont les deux dont je me souviens. Que s'est-il passé ? Est-ce l'épilogue de "La Planète X", justement ? Je mourais. Mon héros principal mourait. Ma mère avait bien cherché à me convaincre que le narrateur ne peut mourir, elle ne réussit pas. Je vois quand-même que j'ai eu du mal à m'en remettre depuis. Je suis rentré dans un...

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15 Déc La bouche entrouverte

La bouche entrouverte mais la mâchoire serrée, l'homme tenait d'une main un livre ouvert et lisait tout en marchant à grands pas. J'eut le temps de reconnaître la collection "Poésie Gallimard", caractéristique pour ses couvertures blanches et la photo du poète déclinée en petits rectangles colorés. Il fendait le trottoir à ses risques et périls, mais ne semblait s'en préoccuper aucunement, tant il était absorbé par sa lecture. Le danger de collision guettait aussi les promeneurs qu'il croisait, en cette fin d'après-midi de dimanche, sur le pavé d'une belle avenue proche de la Place de l'Étoile. Plus rien alentour ne semblait exister. Les beautés du...

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14 Déc Rares moments d’existence

C'était hier, avec vous, Agata. Ces quelques dizaines de minutes en tête à tête, au milieu des autres qui, eux, pour le coup, n'existaient plus. Nous étions au centre du monde, au premier jour de la création. Je m'inquiète pour moi, où tout cela va me mener. Moi, piètre et lent séducteur, et lecteur assidu de Casanova ? Parler à une jolie femme, commencer à envisager de la séduire, de lui proposer d'aller continuer la soirée ailleurs...

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13 Déc Un rire de trop

Le gros homme était entré en dernier dans le compartiment, quelques instants avant le départ. Tout essoufflé, il avait certainement dû courir pour ne pas manquer le train. Il était encore à hisser une lourde valise sur la grille fixée dans les hauteurs, que celui-ci s'ébranla d'un coup si sec que l'homme failli tomber à la renverse. Il se rattrapa d'une contorsion aussi rapide qu'étonnante pour un homme de cette corpulence, ce qui lui évita de ne pas aller rouler aux pieds des voyageurs, et que son bagage lui tombe sur la tête. Comme entrée, on pouvait faire plus discret. Rien...

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12 Déc Agata

C'était vous ce soir. Nous avions échangé quelques mots, déjà, à l'Hôtel de Ville. La réception touchait à sa fin, nos verres de vin blanc, au cocktail, venaient du même plateau, du même serveur. Le bon hasard a bien voulu que nous nous retrouvions l'un en face de l'autre, au cours du dîner, dans le restaurant à côté, réservé pour notre soirée de rencontre franco-cracovienne. Votre élégance stricte, les codes de la femme d'affaire, n'endiguaient pas votre charme. Alors je suis monté à l'assaut, brave petit soldat, de votre technique, de vos satellites, de vos composants électroniques, de vos voyages d'affaires et...

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11 Déc Dans un ciel sans nuages

J'ai dû m'assoupir un peu. Pourtant l'avion glissait dans un ciel sans nuages. Je n'ai eu, de ce songe, qu'une vision : je sortais d'un photomaton, qui produisait au même moment quatre photos, dont les couleurs luttaient dans la pénombre. Ce n'était pas moi, ce n'était pas mon visage. Des formes indistinctes et nombreuses, comme des milliers de points qui se répétaient sur chaque cliché. Et puis, je n'ai pas eu le temps d'en voir plus. L'image s'est évanouie. Le papier de cellulose s'est mis à briller de toute sa nudité. J'ai ouvert les yeux. Je suis toujours assis contre le hublot....

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09 Déc Une voix

Une voix qui parle comme on chante, au dessus du ruban de l'autoroute, et qui m'enlève vers le ciel. Une voix jaillissant comme l'eau vive du torrent, enluminée de vent et de soleil. C'est une émission de France Culture. L'invité est en retard. Alors, la voix doit composer, inventer, lancer des rubriques imprévues. Et j'écoute, passionné déjà, sans même entendre de quoi il s'agit. Peu importe, je suis conquis, les kilomètres glissent sous la voiture, incognito. Mes sensations s'élèvent en colonnes vers ces courants d'airs chauds où résonne le timbre magique, féminin et frais. La séduction qu'une voix peut exercer est une...

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08 Déc jour de blog

J'ouvre word et c'est la page blanche qui illumine l'écran de sa candide insolence. J'ai rendez-vous avec mon blog ce soir, puisque j'ai manqué à mes devoirs ce matin. Des obligations qui n'engagent que moi. J'y avais rêfléchi au cours de la journée. Quel sujet aborder ? L'écriture, je peux toujours, et c'est d'ailleurs elle qui tient la corde, dès le premier galop et les cinq premières lignes dévalées par mon clavier. On peut écrire des pages et des pages sur la recherche de l'écriture et de l'inspiration - j'adore François Weyerganz pour cela. La littérature, l'amour de la beauté ? J'ai...

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