Bas de Cuir

28 Fév Bas de Cuir

Des souvenirs d’enfance flottent et remontent à ma conscience. Je ne sais pas s’ils sont tous réels ou inventés. Certains ont peut-être été reconstruits avec des bouts de réalités ou de mémoires. Ce que je sais en revanche, c’est qu’ils sont importants. Ils me visitent parfois, en rêves ou en pensées. Ils constituent ce qu’il y a de plus cher en moi, de plus vrai peut être : j’ai l’impression qu’ils contiennent l’essentiel de qui je suis. Ce sont des nuages de l’enfance qui me viennent de vents lointains.

Je ne sais plus très bien ce qu’ils disent. En revanche, je sais qu’ils sont sérieux et importants. Ce que le petit bonhomme pense et ressent, c’est l’expression la plus profonde de lui-même. Certes, à l’époque, il y avait les vérités des parents, celles que promettait la vie plus tard, quand je serais grand à mon tour, livré pour de bon dans le monde vrai, dur et éprouvé de l’âge adulte.. Mais il y avait aussi les miennes : mes certitudes, celle de celui qui disait “je”. Celui qui, vivant intensément chaque jour comme une aventure unique, vivait dans le présent comme seuls les enfants le savent.

Ce sont les rêves autant que les évidences de ce temps que je voudrais retrouver.

C’est ce petit bonhomme à qui je voudrais dire ma tendresse, mon respect comme mes regrets de m’être laissé convaincre que ses vérités n’étaient que des étapes intermédiaires.

Enfant, je ne doutais pas que j’entrerais progressivement dans un monde où les certitudes se vérifieraient avec le temps et la vie. Elles s’amélioreraient, et moi avec. Je croyais que les évènements que je vivrais plus tard détermineraient la qualité de ma vie, en validant sans faillir les promesses de mes rêves. C’est pour cela sans doute que j’adorais me choisir des héros qui m’accompagnaient tout le temps. Le plus beau était Bas de Cuir – alias Natty Bumppo. Je voulais devenir comme lui, j’imaginais aussi souvent que je le pouvais que j’étais transporté sur les rives de l’Ontario, au milieu de mes frères mohicans, et que j’allais reproduire ses exploits.

La vie s’est ensuite chargée de son travail de sape régulier et systématique. Nombre de mes rêves ont été laminés. Mais je ne les ai pas oubliés. Pas les plus importants. Surtout, j’entends encore certaines des paroles et des songes du petit enfant. Il n’y a que les rêves puissants ou des exaltations poétiques pour me rappeler sa voix. Elle est aussi importante que celle, dominatrice et incontestable, de celui qui parle et qui pense au présent. Celui qui s’est trompé en croyant que son passé n’était qu’une succession de couches de moi ou de consciences d’avant. Que des brouillons d’un être meilleur qui tarde pourtant à s’imposer.

Lorsque la beauté et l’émotion s’emparent de moi, j’ai parfois l’image de deux êtres en moi qui se croisent. Ils se rencontrent sur un escalier de pierre suspendu dans l’azur, au dessus de la mer. Une partie de moi a descendu quelques marches. Elle a accepté de tendre la main au petit enfant d’en-bas. Celui-ci est tellement heureux d’avoir été appelé et enfin reconnu. 

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