Dépossédée

23 Sep Dépossédée

C’est vrai, il ne faut jamais se fier aux apparences… Si je viens à mon tour de me soumettre à cette évidence, c’est bien-sûr en payant le prix d’une amère désillusion. Si vous le voulez bien, lisez ces quelques lignes, peut-être vous aideront elles si, par malchance, vous étiez amenées à le rencontrer. Je crois que j’ai déchiffré son mystère, à mes propres frais, je voudrais essayer de vous le transmettre.

Peut-être la connaissez-vous déjà ? Son ingénuité, son apparente limpidité, sa candeur… Il vous ferait croire qu’il sort du ventre de sa mère et qu’il ne rêve que d’y retourner ! Moi aussi, au début, je me suis laissée aller à ses yeux clairs et à sa voix si haute et si fragile qu’elle vrille et chante plus qu’elle ne parle.

C’était un soir de rien, j’avais la solitude rampante et la tristesse collante. J’avais accepté son invitation, écouté ses histoires. Il les racontait si bien avec, je dois l’avouer, imagination et humour. J’avais fini par céder à son insistance jusqu’en son lit où il m’avait fait l’amour de longues heures. Cette nuit-là, je m’étais sentie moins vide. Il est vrai qu’il savait embrasser, il était doux et créatif. J’ai connu un fragment de bonheur avec un homme qui voulait être un ange, et qui était venu dans mes bras comme un délicieux enfant érotique.

Il a profité d’un fléchissement, une de ces baisses de tout si  fréquentes chez moi, un de ces moments de fatigue, ce qu’on appelle la faiblesse humaine.

Derrière l’humanité, les sentiments, il y avait un rapace.

Ce qu’il veut, c’est nous mettre dans son lit et embellir son tableau de chasse, croyez-moi.

Toute cette nuit d’amour, il n’eut de cesse de me faire parler tandis qu’il savait, d’une science que je n’aurais supposée en lui, extraire de moi extases et ravissements. Je m’abandonnais à l’art de ses mains et de son corps possédant le mien tout entier. Je lui confiais mes secrets et mes folies et tous mes rêves les plus fous. Ma bouche, mes seins, mon corps lui étaient offerts comme mon coeur. Il disposait de moi avec une fougue rageuse où je ne pouvais pourtant m’empêcher de savourer, au toucher de ses doigts, de ses mains ou de son sexe fort, une brûlante douceur.

Et pourtant je m’inquiétais du contrôle et du calme qui ne l’abandonnaient jamais. Il ne parlait pas, il murmurait des paroles qui résonnaient comme des ordres auxquels j’étais heureuse d’obéir.

Tout en m’abandonnant à ses étreintes, un malaise grandissait en moi autant que l’absence d’échange avec lui qui, bientôt, ne dit plus rien tout en continuant de m’aimer infatigablement.

Cet homme était en train de voler mon âme. Il s’emparait de mes désirs, de mes pensées et de mes rêves, son silence les enfermait là où je ne pouvais pas le rejoindre.

Cette désillusion ne s’est manifestée à moi que le lendemain matin. Mon corps, enivré de plaisir, n’avait rien entendu de la sourde peur qui s’était éveillée dans mon coeur.

Je m’étais réveillée seule, il avait quitté son appartement sans me laisser un message. Les premiers jours, j’ai essayé de le revoir, il n’a jamais répondu à mes appels.

Ce n’est que qu’un peu plus tard que j’ai découvert qu’il avait écrit mes fantasmes et mes délires dans son blog. Avec une précision glaçante, il avait brocardée mon coeur et mon corps à la vue du monde.

1commentaire
  • Emily LEVEQUE
    Posted at 10:57h, 14 octobre Répondre

    ça me glace avec tant d’amertume…merci pour ce partage et cette transcription poignante.

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