Varsovie – Hôtel Bristol

21 Juil Varsovie – Hôtel Bristol

À la terrasse de l’hôtel Bristol. Les promeneurs du dimanche déambulent avec l’insouciance et la légèreté de l’instant, de cet après-midi d’été, de la chaleur et du soleil, caressés par les souffles de l’air joyeux et doux. Ils se croisent, remontent à ma hauteur ou, en sens inverse, descendent vers le Palais Présidentiel qui jouxte l’hôtel, avant de continuer jusqu’à la vieille ville.

De mon fauteuil profond, je suis bercé par la banale bienveillance du moment. Est-ce la médiocre élégance des passants ? Les jolies femmes sont nombreuses. Elles sont le moins habillées possible. Ce qui ne les embellit pas, bien au contraire. C’est curieux comme cette quasi nudité est difficile à porter, elle est vite vulgaire ou dégradante. Les hommes sont plutôt laids, leurs cheveux sont trop courts, leurs sportswears grossiers et bon marchés.

Que pourrait-il se passer au cours d’une telle journée ?

J’imagine alors les mêmes scènes, au même endroit, il y a quatre-vingts ans. Les couples sont plus élégants, ils ont plus de retenue aussi. La sensualité n’était pas débridée comme de nos jours, et les femmes étaient plus féminines.

L’image du passé flotte devant moi. Krakowskie Przedmiescie a été reconstruite à l’identique. Alors, je sais que ces lieux seront bientôt frappés par l’horreur, que ces façades seront détruites, que les Varsoviens seront persécutés, enfermés, affamés, exterminés. Tout ce que je vois autour de moi, au coeur de la ville martyre, a été reconstruit depuis, pierre par pierre.

Quels sont les vestiges de ce temps ? Sous mes pieds, des dalles muettes et symétriques, les mêmes qui fleurissent dans toutes les villes nouvelles aux quatre coins du village global. J’aimerais les frotter dans les grains de la terre poussiéreuse de l’été, aller fouler les plates bandes luxuriantes du parc Slaski. Il s’en dégagerait peut-être les parfums contenus depuis. La terre se souvient toujours de ce que les hommes ne cessent d’effacer de leurs travaux et de leurs oeuvres.

Cette ville hérissée de gratte-ciels est étonnante. Ils continuent de pousser les uns contre les autres, comme au concours ! Varsovie ressemble plus à ces nouvelles villes asiatiques ou américaines qu’aucune cité d’Europe que je connaisse. Sa modernité témoigne de l’essor continu, depuis la chute du mur. Elle répare un peu la laideur grise et monotone des reconstructions d’après-guerre, érigées dans la pauvreté d’un autre système. Celui qui voulait effacer la vieille et fière histoire de la Pologne, dessiner une humanité nouvelle, commune et uniforme.

Les images défilent lentement et en silence, comme les films de mon enfance. Les couleurs sont moins nettes, accentuant l’or, l’orangé et le bleu du ciel. Je vois les mêmes gestes, ceux des promeneurs endimanchés. Ils sont plus graves, marqués d’une solennité qui contraste avec le spectacle sous mes yeux. Ils comprennent que le temps est précieux. Dans l’inconscient collectif, la guerre menace déjà.

Y a-t’il des nuages que l’horizon d’aujourd’hui ne révèle pas encore ?

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