accumulations, accroches et occurences

21 Sep accumulations, accroches et occurences

Tous ces mots savamment barbares m’ont fait fuir… Cinq minutes ne s’étaient pas encore écoulées qu’ils m’avaient terrassés pour de bon. Je n’ai pas pu m’en remettre.

Tout en me faisant violence, j’avais quand-même tenté l’expérience de l’aréopage confraternel, de la docte assemblée qui m’enseignerait l’écriture, la lecture, la révélation de mes qualités littéraires indéniables. Pour cette « journée portes ouvertes », des groupes de huit à douze personnes avaient étés formés au fil des inscriptions que les candidats devaient avoir envoyées avant hier soir dernier délai. En réalité, je suis tombé au hasard de mon heure d’arrivée, un peu tardive, sur le dernier atelier constitué des retardataires et, ce qui était aussi mon cas, des non-inscrits. Nous avons été réunis autour de Claire, l’aimable animatrice.

Son introduction fut courte et synthétique : nous n’avions qu’une heure et demie pour faire l’expérience, en ramassé, d’un atelier d’écriture. Chacun devrait écrire quelques lignes, un premier jet bien sûr, sur un thème proposé et pendant quinze minutes. Après quoi chaque texte devrait être lu par son auteur à voix haute, dans l’attente du verdict. Le sujet fut donc donné, illustré par deux petits passages que Claire nous lut. L’un de Barthes, l’autre de Robbe-Grillet.

Avez-vous remarqué ce que ces deux textes ont en commun ? Oui ! Une répétition, très personnelle, subjective et d’apparence fantaisiste, de ce que l’auteur aime, et de ce qu’il n’aime pas. Mais qu’avez-vous remarqué de plus ?

Et alors tout le monde autour de moi y est allé de bon coeur, et j’assistais, de plus en plus silencieux, aux échanges casuistiques. Pour couronner le tout, Claire est allée marquer sur un tableau blanc les trois mots saints objets de l’adhésion unanime que je découvris en écarquillant des yeux béants de stupeur : accumulations! accroches! occurrences!

Avec ça, j’étais mieux boxé qu’avec le meilleur triple crochet au menton du monde. Impuissant, j’étais témoin d’une attaque sournoise de la littérature, vite faite prisonnière et livrée à ces maîtres de syntaxe et de vocabulaire !

J’assistais, groggy, au tour de table qui suivit. Chacun lut sa prose. Claire en invita certains à relire une seconde fois, j’eus cet honneur. Et c’est elle qui, en bonne professionnelle, apporta les premiers commentaires, des éclaircissements, des remarques justes, parfois, scientifiques et assez répétitives. Le tout avec beaucoup de douceur et de respect : il ne fallait pas faire fuir les chalands ! Elle nous encourageait à partager. Alors le petit groupe s’enhardit. Pour ne pas faire mentir les règles sociologiques, un ou deux leaders s’auto-désignèrent et prirent de plus en plus souvent la parole, et la moitié des autres participants suivirent. Nous étions deux ou trois, seulement, à ne pas broncher. Les bras croisés, mon regard ne pouvait plus se détacher des ogives de Saint-Séverin qui plongeaient dans nos fenêtres et, c’était sûr, allaient exploser la petite pièce. Je dus subir les vérités démocratiques et édifiantes d’Agnès, de Philippe ou de Laurence.

Assise en face de moi, Adiba, qui avait écrit un beau et long poème d’amour pour le Moyen-Âge, qui s’emparait en rêve de la ville, transformées par des châteaux forts et peuplées de fiers chevaliers. Elle levait rarement les yeux, croisait parfois les miens, esquissait un sourire timide, et repartait contempler sa feuille en gardant le silence, tout en crayonnant des dessins que je n’arrivais pas à voir. Avait-elle les mêmes tristesses que moi ? Je n’en saurai rien, elle profita de la fin de la séance pour se glisser rapidement vers la sortie, et disparaître.

2 commentaires
  • louisdesagazan
    Posted at 18:09h, 21 septembre Répondre

    …et alors, la suite ? On aimerait avoir le portrait de chaque participant ! Et bien sûr le texte que tu as écrit ! Est-ce celui sur l’automne ?!
    :0) ton

  • louisdesagazan
    Posted at 19:40h, 21 septembre Répondre

    Aïe aïe aïe ! Mon pauvre vieux ! C’était l’école… C’était clair… Mais j’aurais bien aimé connaître tes petits(es) camarades !
    ;0)

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