Undisclosed recipients

15 Jan Undisclosed recipients

Je les déteste, et j’en reçois souvent. Il m’arrive aussi des les pratiquer. Vous savez, ces mails envoyés de telle manière qu’on ne puisse pas voir les autres destinataires. Confidentialité, froideur… Il y a quelque chose d’inhumain et même d’hostile dans cet « undisclosed ». J’ai à chaque fois des mauvaises associations, comme si je lisais « indisposé » et « fermé ». « Recipients », c’est même pire, et ça ne donne pas envie. On visualise des boites, des récipients justement. J’imagine des casemates qui communiquent entre elles en s’ouvrant et se fermant automatiquement, sous l’impulsion d’une machine réglée à l’avance.

Alors c’est promis, j’arrête ! Ce sera ma première contribution effective au sauvetage écologique. Déjà que je ne trie pas mes poubelles, il faut un début à tout, non ? Cela fera moins de mails, car il paraît qu’ils polluent, eux aussi. On s’inquiète tellement des dangers qui menacent notre bonne vieille terre.

Et je ferai coup double, en m’attaquant aux périls qui attaquent l’homme. Je tenterai de garder une communication plus directe, plus « personnelle ». Les nouvelles technologies dont je raffole pourtant, elles nous serrent de plus en plus à la gorge avec leurs trouvailles de plus en plus inquiétantes parfois et, souvent, si abrutissantes. Et on a encore rien vu. Que celui qui n’a pas subi les lavages de cerveau des call center et échangé avec les robots dans des interrogatoires infâmes lève sa souris !

On se comprend. Il ne faudrait pas non plus jouer les rabat-joie. Il y a du positif, des merveilles, de réels progrès. On peut soigner et même opérer à distance. Faciliter l’accès au savoir, être partout à la fois. Je me réjouirai lorsque mon avatar virtuel vivra tous mes rêves. Alors tout sera permis, avec capteurs sensoriels intégrés et connectés à mes cellules de chair. On pourra jouir sans rien subir et que personne n’en souffre, bien au contraire !

Je ne suis pas pessimiste, l’homme n’est ni pire ni meilleur qu’avant, ses progrès sont à la hauteur des nouvelles régressions pour lesquelles il est tout aussi inventif. Il suffit de voir notre XXème siecle, sommet de civilisation pour les sociaux démocrates, le plus barbare de tous à beaucoup d’égards.

J’en finis-là de mes détours sociologiques. Je ne reviendrai qu’en apprenti conteur, littéraire ou poète, des beautés et des émotions qui me ravissent. C’est promis aussi.

Londres, Strand

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