Un reflet

06 Mar Un reflet

– Ce n’est pas possible que le monde ait été créé pour subir de telles nuisances »

Une mobylette venait de démarrer juste devant nous, en dégageant un nuage bleuté pestilentiel. Elle avait vite disparu au bout de la rue, qu’elle avait noyée d’une pétarade insupportable. Un de ces bruits de moteurs poussés à fond pour la frime, et qui sonnent aussi faux qu’une voix de crécelle, le volume maximum de décibel en plus.

Je cherchais du sens. À la création du monde, à ma propre existence. Je n’en voyais pas beaucoup autour de moi. Je continuais de l’interpeller :

– et l’attente ? qu’est-ce qu’elle vaut, l’attente ? combien de temps perdons-nous dans nos vies à attendre ? L’amour, l’argent, la réussite, la quiétude, l’absence de peur et de vide ?

Mon regard portait sur les branches de l’arbre qui s’élevait au bout de la terrasse. Déjà, on pouvait distinguer les premiers bourgeons, les signes de la vie qui reprenait, pour un printemps de plus.

Mon interlocuteur ne répondait pas. Il me fixait de son regard interrogatif, il ne bougeait pas plus que moi, comme s’il était pétrifié des mêmes doutes que moi. Son silence me glaçait autant que l’angoisse qui montait en moi.

J’allais reprendre cet absurde interrogatoire lorsqu’un client, venant de la salle intérieure, ouvrit la porte. Je vis alors l’image de mon interlocuteur s’enfuir vers la droite. La porte fut refermée. Mon compagnon avait disparut pour ne laisser qu’un reflet vide sur la vitre de la porte.

Paris

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