Terreur

22 Sep Terreur

Une détonation si forte qu’elle m’avait relevé de ma chaise et poussé instinctivement jusqu’au balcon pour aller voir. En face de moi, de l’autre côté de la rue, je vis les visages des passants tournés vers la gauche, et qui m’indiquaient la provenance de ce qui venait d’arriver. Un grand silence suivi, ponctué par le battement des ailes de nuées d’oiseaux qui s’échappaient.

À la même seconde, je ne pus m’empêcher de penser inconsciemment aux menaces directes proférées par les terroristes le matin même contre les citoyens français et que relayaient en boucle radios et sites d’informations.

J’étais à peine sur le balcon que deux autres détonations retentirent, aussi fortes mais très rapprochées celles-ci. J’entendis des cris. Quelques secondes plus tard, de nombreux véhicules s’arrêtaient en panique, leurs alarmes hurlaient tandis que les gyrophares tournoyaient en projetant sur toute la scène des rayons de lumière vive et bleue, brutale et irréelle. Il ne fallut que quelques secondes pour voir de très nombreux hommes en uniformes bleus surgir des camionnettes et courir vers l’entrée d’un bâtiment où toute une foule était déjà amassée.

Je compris que quelque chose de très grave avait lieu, et que j’avais été témoin d’un premier attentat sur le sol de Paris. Je sentis mon corps se glacer et s’immobiliser d’effroi face à l’horreur qui venait de frapper. En contre bas, je voyais les badauds hébétés, pétrifiés comme moi.

Pourtant la circulation ne s’était pas interrompue. Très bientôt, les forces de l’ordre viendraient sécuriser les lieux. Une seconde, l’envie me prit de descendre dans la rue pour aller voir de plus près. Je n’imaginais pas qu’il pourrait y avoir d’autres explosions. J’étais passé à cet endroit quelques minutes plus tôt, j’aurais pu être fauché moi-même… Mais je ne bougeais pas. J’attendais, je sentais que quelque chose pouvait encore se passer.

Et il ne se passait plus rien.

Enfin, rien qu’on puisse s’imaginer après un tel attentat. La police tardait à boucler la rue, tandis que la foule criait toujours et que je voyais les uniformes bleus qui semblaient courir après des fuyards. Une scène de chaos. J’équarquillais les yeux… Je distinguais maintenant des drapeaux rouges, des hommes en tenues fluorescentes, j’entendais des sirènes d’alarmes et des clameurs qui répondaient à la voix d’un haut parleur.

Quelques secondes encore… Et j’avais tout compris. Une manifestation de la CGT, des slogans, et les déflagrations de tout à l’heure qui, en réalité, n’étaient que des pétards inoffensifs mais qui, certainement, n’étaient pas du goût de la police.

Quelques minutes plus tard, les manifestants passaient sous ma fenêtre, encadrés par des CRS devant, derrière. Dans une discipline joyeuse, la procession remontait maintenant vers le lion de Denfert Rochereau.

J’allais bien, un peu après, au lieu supposé des explosions pour savoir ce qui, à cet endroit, avait suscité un tel phénomène. Rien, aucune trace, aucun tract, aucun signe de déflagration, et les clients attardés à la terrasse d’un café tout occupés, visiblement, à s’amuser de la scène.

Oui, en quelques minutes, de la terreur au rire.

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