Quelques belles du Seizième

10 Mai Quelques belles du Seizième

Le vent soufflé par des nuages noirs et froids claque parfois en les soulevant les bords de la tente lourde. J’ai vérifié avant de m’asseoir, il semble que les structures métalliques accrochent bien la toile. Pas de risque qu’elle s’envole et livre la jolie clientèle aux paquets de pluie que mai décidément capricieux et boudeur ne cesse de distribuer.

Ce serait dommage, me dis-je, pour toutes ces belles blondes qui ont libéré leurs opulentes coiffures sous la promesse de ce ciel bas, certes, mais protégé et sec.

Il y a très peu d’hommes autour de moi. Nous sommes un samedi après-midi : ils doivent être au golf, au tennis ou au polo, ou encore à récupérer au creux du canapé du salon des fatigues de la semaine.

Tandis que les fières crinières ont été lâchées pour leurs chasses hebdomadaires.

Je ne me doutais pas, en cette terrasse du coeur de la rue de Passy, en trouver tant à cette heure, qui doit être celle de la pause, entre elles, au premier abreuvoir.

Elles vont toutes par paires, souvent assorties si ce n’est trop semblables. Kundera et moi sommes ravis. Nous étions sortis tous les deux, un peu vagues et lassés, voir si notre dialogue n’irait pas mieux en terrasse, chablis au poing, qu’au secret de ma chambre.

Avouons-le, cela nous va beaucoup mieux.

Milan m’ennuyait presque, et je crains qu’il ne pense pas mieux de moi. D’ailleurs, il reste silencieux et mystérieux. Il change souvent de position, du plat de la table au creux de ma main, mais il ne dit rien.

Les belles continuent de parler. Elles ne doutent de rien.

N’ont-elles pas le monde pour eux ? Les cheveux blonds, un peu de beauté (et certaines, me glisse Milan en une de ses parenthèses choisies et en pointant du doigt les plus jeunes, sont réellement mignonnes), d’argent, l’oisiveté et le mari financier, banquier ou avocat, dans le canapé dormant ?