Prêt à penser

16 Jan Prêt à penser

Je revenais pourtant d’un autre monde. Où il était question de contes et de rêves. Il y avait une jeune fille si gracieuse que lorsqu’elle riait, des pétales de rose pleuvaient de ses lèvres pourpres. Si jamais elle pleurait, des perles sombres coulaient de ses yeux. Et chaque empreinte que son pied menu marquait dans le sol déposait des pierres précieuses qui brillaient de tout leur éclat. C’était une jeune princesse, perdue et oubliée au coeur d’une profonde forêt, qu’une vieille femme avait pris sous sa protection. Elle était belle et étrangère. J’étais déjà amoureux d’elle.

Ici, les sourires étaient tous les mêmes : ni trop grands ni trop francs. Comme les voix, quelques rires et la fumée des cigarettes ou d’une pipe qui ornait le plafond d’un nuage blanc et creux que ne perçait aucune étoile. Tout était en mesure et en ordre. Point de pierres précieuses ni de lit de fleurs où j’aurais tant voulu m’étendre pour y étreindre ma princesse.

On ne me posa aucune question. Nul ne prêta attention à l’éclat des bijoux qui miroitait encore dans mes pupilles. Une fois de plus, j’étais retardataire. Une fois de plus, je revêtais à la hâte mon uniforme de politesse, de banalité et d’ennui. Et je reprennais les mêmes refrains connus par coeur de la conformité, des vérités bien apprises, des pensées contrôlées.

J’avais gardé le ticket d’entrée de ma soirée de lecture. Pour me rappeler mon rêve et m’assurer que je pourrais le retrouver dès que le sommeil me rattrapperait, je passais ma main sur le tissu du pantalon et me réjouissais de sentir le frottement du papier froissé que j’avais glissé dans ma poche.

1commentaire
  • Marie-Françoise DE CACQUERAY
    Posted at 19:08h, 23 janvier Répondre

    je suis très sensible à ce que vous écrivez – au fossé qui existe entre nos vies saturées de conformisme et par conséquence d’ennui et les moments où nous pouvons enfin rejoindre nos vraies envies, nos rêves, donc notre vie intérieure. soit dans les livres, soit dans la musique. L’important est de ne pas perdre le ticket d’entrée. Je m’exprime bien mal surtout après avoir savouré votre texte si poétique. J’ai beaucoup aimé aussi cette phrase : »on ne me posa aucune question……. » et la solitude qui en découle… Pardon pour ce charabia…

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