Place Saint Sulpice

17 Fév Place Saint Sulpice

Je faisais le tour rituel de la fontaine, comme le font les pèlerins tibétains autour des autels qui, au sommet des cols montagneux, célèbrent les esprits, les énergies positives et les franchissements de seuils personnels autant que géographiques. J’avais contourné un à un tous les angles de l’octogone quand je remarquai, à la fin de mon cercle, une sylphide.

Elle était adossée à son bord et, s’il n’avait fait aussi froid, j’aurais pu croire qu’elle avait surgi de l’eau qui, juste derrière elle, s’étalait dans le silence et le respect de rigueur.

C’était une sylphide. Ou une fée, selon votre interprétation personnelle. Mais ne vous inquiétez pas et ne cherchez pas plus loin, elles n’ont rien de différent et expriment la même réalité délicate, éternelle et subtile de nos rêves à tous : celle d’une jeune femme.

Elle rayonnait dans l’éclat d’une beauté dont je ne voyais pourtant presque rien. Une silhouette, camouflée dans les épaisseurs des doudounes et des protections hivernales à la mode qui ne laissent  rien voir, surtout quand la lumière décline plus vite que l’après-midi. N’ai-je pas raison de détester l’hiver ?

Oui, je ne voyais presque rien. Elle s’appuyait à la fontaine et claviardait sur son portable dont l’éclat ne suffisait même pas à me révéler son visage.

Mais je n’avais pas besoin de lumières électriques  pour la reconnaître. Elle était belle, et je le savais. Les ondes joyeuses et dansantes s’étaient tout de suite précipitées vers moi, elles avaient fait frissonner tout mon corps et mon coeur aussi : c’était la signature si adorable du charme et de la beauté féminine qui traversait l’obscurité, les vêtements et mes pensées du moment.

Je me suis donc arrêté et je suis allé m’asseoir pas loin, le plus près possible en fait, sur le premier banc trouvé qui pouvait recueillir ma pauvre présence aimante et démunie. L’ombre gagnait et, bientôt, ma sylphide allait disparaître dans le noir ou le départ. Archive tonnait dans mes oreilles et j’eus l’idée de lever les yeux vers le ciel qui, malgré l’heure avancée en nos pénibles latitudes, était merveilleusement bleu après une journée entière de lessivage et d’essorage typiques des dimanches d’hiver.

Quelques nuages en haut reprenaient leur place dans la rosée d’or du couchant.

Soudain, de lourds et profonds bourdons ont traversé les colonnes de l’église et vrillé toute la place. Je crois que quelques oiseaux se sont envolés vers la lumière qui partait. La jeune femme aussi. Elle avait disparu.

1commentaire
  • Lys
    Posted at 22:00h, 17 février Répondre

    Très jolie

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