Nos folies ordinaires

16 Avr Nos folies ordinaires

– Franchement, tu es sérieux ?

Elle me fixe avec des yeux ronds d’étonnement.

– non, je ne vois pas les choses comme toi.

C’est vrai. Elle est une femme d’action, elle est active comme moi. Plus que moi, car j’ai l’impression qu’il ne lui est jamais venu à l’idée de réflêchir à ce sujet.

– je n’ai jamais pensé une chose pareille.

Bon, c’est bon. Je rétropédale et change de sujet. Nous finissons notre déjeuner sans revenir à mes sujets un peu glauques et poisseux, mieux vaut le sable clair et le sang chaud des affaires. On en profitera pour dire du mal de tout le monde, en tout bien tout bonheur.

Et pourtant, j’y crois fermement : Je ne connais personne qui ne soit frappé d’un petit peu de folie, au moins un petit peu. Personne. Je ne parle pas de la douce folie sur laquelle nous aimons tous nos auto-congratuler. Et qui n’est rien d’autre qu’une manière de nous rassurer et de jeter aux autres l’image de notre normalité. En vitesse, avant qu’ils ne regardent de trop près.

C’est pour cela que j’ai aimé Dostoïevski et Kafka, tout de suite. J’étais chez moi. Avec eux, rien ne résistait, tout y passait, à l’exception peut-être des bourgeois médiocres de la gentry de Saint Petersbourg. Eux, tout leur résiste.

Nos folies ordinaires, j’en viendrais presque à les chercher chez tous ceux que je rencontre. Elles me rassurent. Ce sont nos failles, nos faiblesses, celles qui craquent le masque que l’éducation, la vie en société nous imposent. C’est pour cela qu’elles me plaisent, tant qu’elles ne m’assassinent pas trop : elles sont la preuve de notre humanité.

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